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Argent, Economie et PIB

Fin



Non, ce n’est pas la fin du blog du développement durable, encore moins la fin du monde dont il sera question ici à l’occasion de la fin de l’année 2006. Puisque ce blog est construit autour des mots pris dans l'air du temps, le mot fin s'impose dans l'actualité du moment. On aurait aussi pu choisir Sylvestre, ce qui nous aurait renvoyé dans la forêt, thème déjà abordé dans la chronique Bois. Revenons donc à fin et déclinons ce mot au filtre du développement durable.


Dans une chronique sur le développement durable, il y a un certain paradoxe à parler de fin. Le développement durable n’est-il pas justement celui qui n’a pas de fin ?

Les nombreux romans sur l’immortalité montrent qu’il n’est pas toujours enviable de ne pas connaître de fin, mais n’entrons pas dans ce propos et voyons si le mot fin a un sens dans notre approche du développement durable.

Bien sûr, nous vivons la fin d’une époque. L’humanité avait reçu sa feuille de route, croissez et multipliez, et on arrive à l’évidence à la fin de la colonisation de la planète. Il existe encore quelques coins reculés, ou des abysses non explorées, mais dans l’ensemble, l’humanité a bien pris possession de la Terre, et tente même de prendre pied sur la lune, en attendant d’autres planètes. Il va bien falloir trouver d’autres objectifs, et en finir avec une croissance quantitative, une multiplication des pains déjà évoquée dans ce blog.

Il faut savoir finir une grève, un classique du genre, mais il faut aussi savoir finir une action sans lendemain, mal engagée, ou mal conduite. Perseverare diabolicum ! Les exemples sont nombreux de politiques que l’on ne sait pas arrêter. Parfois, ce sont de bonnes intentions qui ne produisent pas les effets escomptés, comme l’envoi de surplus de médicaments en Afrique. Les associations spécialisées crient casse-cou, à cause des effets pervers de cette démonstration de charité, mais la générosité ne comprend pas toujours qu’elle n’est pas appropriée.

Il y a les opérations surdimensionnées, qui doivent malgré tout trouver une fin honorable. Les hectares de zones industrielles qui attendent des preneurs depuis des années ne peuvent être maintenus éternellement dans cette situation. Il faut boucler les programmes, et remettre les surfaces toujours non occupées à de nouvelles activités. Ce n’est pas facile, si les lots attribués l’ont été dans le désordre, mais cela vaut mieux que des friches, aussi bien pour la collectivité que pour les premiers occupants de ces zones. Redimensionner un projet, le revoir à la baisse, est une décision de sagesse qu’il faut savoir prendre.

Parmi les mots clés du développement durable, figurent adaptabilité et réversibilité. Il faut prévoir que les réalisations humaines doivent parfois être revues, qu’il faut mettre fin à une filière, à une organisation, qu’il faut transformer un ouvrage. Il faut accepter que nos œuvres aient une fin, la fin d’un cycle de vie, et alors penser au devenir des restes. C’est le phénix qui l’objectif, une nouvelle vie à partir des restes du passé.

Les meilleures choses ont une fin, également, comme certaines politiques volontaristes d’environnement. Ou si ce n’est leur fin, du moins leur transformation, leur adaptation à de nouvelles réalités. On l’a vu pour les grandes pollutions, les pollutions transfrontières, transportées par le vent ou les fleuves. La lutte a été organisée dans les pays occidentaux en premier, et elle a donné des fruits. Il faut continuer, mais on sait bien que l’urgence s’est déplacée. Ce sont les pays moins développés, qui n’ont pas adopté de mesures pour lutter contre les pollutions, qui sont devenus les secteurs sensibles, avec des marges de progrès considérables. Un euro dépensé dans ces pays pour réduire des émissions polluantes y est cent fois plus efficace que dans les pays où les gains les plus faciles ont été engrangés depuis longtemps. Les mécanismes de développement propre, qui incitent les industriels des pays riches à contribuer activement aux politiques environnementales des entreprises du « Sud », sont une traduction de cette observation.

De bonnes politiques, qui ont produit de bons résultats, doivent aussi savoir finir ou s’adapter. Prenez une protection d’une espèce en danger sur un territoire. Le succès même de la protection n’est-il pas de créer les conditions de sa propre fin, ou de sa modulation ? A défaut, ne risque-t-on pas de provoquer l’incompréhension devant ce qui sera perçu comme un acharnement ? On se plaint souvent de la dérégulation. N'est-ce pas la conséquence d'un défaut d'adaptation de la régulation ? Celle-ci doit suivre le cours des choses, et se transformer en permanence pour rester pertinente. Une régulation trop rigide, sacralisée, perd souvent sa légitimité, et risque d'être emportée par le courant d'hostilité qu'elle aura provoqué. La fin, toute regrettable soit elle, est alors la conséquence de l'incapacité à évoluer. Le syndrome des dinosaures.

On le voit, le durable se compose de nombreuses fins. Il y a les fins conséquences de la non durabilité, que Jared Diamond décrit si bien dans son ouvrage Effondrement, mais il y a des fins qui ne sont que le prélude à de nouveaux commencements, qui ne sont qu’un point dans un cycle. Mais ne nous trompons pas : sans mettre fin à la croissance continue de prélèvements et de rejets, nous ne pouvons espérer devenir durables, et ce sera la fin !

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