Budget
50 milliards d’économies, voilà ce qu’il est convenu de trouver au plus vite pour les finances publiques. Les ménages sont sollicités, et leurs budgets personnels en seront affectés. Une ponction qui suscite une réflexion sous l’angle du développement durable.
Il n’y aura pas d’impôts nouveaux ! Belle affirmation, immédiatement contredite : les annonces de gel de rémunération constituent bien une forme d’impôt, un prélèvement à la source pour certaines catégories de contribuables, retraités et fonctionnaires notamment.
Et un prélèvement qui se prolongera éternellement, s’il n’y a pas, dès que les finances publiques auront retrouvé une santé, un rattrapage pour compenser les années d’augmentation perdues.
Le budget des ménages est appelé au secours du budget de l’Etat. Rien de surprenant, mais ne perdons pas l’objectif qui peut paraitre contradictoire du maintien du pouvoir d’achat, au moins pour les catégories les moins favorisées. Pour sortir de la contradiction « par le haut », comme nous y invite le développement durable et son « double dividende », il faudrait réduire à due concurrence les charges supportées par les ménages. Comment permettre aux habitants de notre beau pays de vivre aussi bien et même mieux en dépensant moins d’argent ?
L’accès à des services publics est une voie pour y parvenir, mais à la condition de ne pas alourdir le coût de ces services publics, puisque l’on veut épargner les finances publiques. Il y a un effort de productivité de ces services à obtenir, mais ce sera long, et avec un risque de dégradation ici et là : la fermeture de centres de soin permet sans doute de faire des économies pour l’institution, mais les familles payent en retour des frais de déplacement qu’il conviendrait de mettre en regard. Attention à ne pas reporter les économies réalisées sur le budget des ménages. Le gain, consolidé pour l’ensemble de la société France, pourrait être nul, et parfois négatif si les dépenses des particuliers venaient à dépasser les économies du secteur public. La « bonne santé » de nos finances serait alors un leurre : les prélèvements obligatoires « de droit », officiels, seraient peut-être en baisse, mais les prélèvements obligatoires « de fait », tout aussi importants, compenseraient ces économies, et au-delà. Il y a surement des économies à réaliser sur la performance des services publics, mais il faut le faire avec précaution, et ne pas s’arrêter là. Allons plus loin, entrons dans la vie quotidienne des ménages.
Comment dépenser moins, sur les postes les plus significatifs de leurs budgets ? Le logement en constitue le poids lourd, près de 25%. Compte-tenu de l’inertie des phénomènes liés à la construction, les économies mettront du temps à devenir effectives. On trouve ensuite des postes plus réactifs, l’alimentation et les transports, aux alentours respectivement de 15 et 12%, avec des différences notables, pour les transports, entre l’Ile-de-France et les autres régions. La densité de la région capitale permet sans doute de réduire le coût des transports (10,1% du budget au lieu de 12,4%). La possession d’une voiture coute cher, et son usage aussi. La moindre augmentation du prix des carburants provoque une vague d’indignation, et ce n’est pas pour rien.
En matière de transports, un résultat immédiat pourrait être atteint en adoptant massivement la « conduite douce ». Les grandes entreprises ont fait ce choix depuis longtemps, les techniques sont bien connues, et offrent 15% d’économies. Outre les avantages pour la balance des paiements, la collectivité engrangera en prime d’autres bienfaits, sur la pollution et surtout les accidents de la route, qui coûte cher à tout le monde. Voilà pour l’usage de la voiture, mais peut-on aussi réduire la dépendance par rapport à la voiture, et éviter d’en posséder ? Ce serait une sérieuse source d’économies, puisqu’une voiture coûte environ 4500€ par an. Il y a des réponses à long terme, avec des infrastructures de transports en commun, le développement du télétravail et d’autres formes de travail à distance, et un urbanisme plus compact, offrant plus de possibilité de trouver emploi, commerces et services publics à proximité de l’habitat. Dans l’immédiat, peut-on éviter à une famille d’être propriétaire de deux ou même parfois trois voitures au lieu d’une, et même de zéro voiture, dans certains cas, dans les grandes villes ? Il existe une gamme de réponses, allant du covoiturage à la location facile, type autolib, en passant par la mutualisation et la location entre particuliers pour amortir le prix d’une voiture sous-utilisée. Internet ouvre à cet égard de nombreuses possibilités. En zone rurale, le transport à la demande est une autre réponse pour les personnes qui font peu de déplacements. Utilisons mieux les voitures, remplissons-les, conduisons « souple » : il y a des économies substantielles à faire, qui allégerons les budgets des ménages et des collectivités. Celles-ci ont un rôle à jouer pour populariser et soutenir ces pratiques, et accélérer leur diffusion dans la société.
L’alimentation coute 15% du budget des ménages. Les deux principes de base, vivre avec les saisons et en favorisant la proximité, sont deux sources d’économies immédiates, mais il faut aller plus loin. Les « incroyables comestibles(1) » montrent que l’on peut produire dans des conditions très variées et inattendues, et les circuits courts se développent, tant mieux. Seule une partie des ménages sera néanmoins concernée, et pas forcément les plus modestes. La culture des consommateurs et les pratiques des commerces sont aussi en cause, comme l’ont montré diverses approches sur les emballages et les dates de péremption : des écarts importants de prix ont été révélés sans relation avec le pouvoir nutritif et la qualité gustative. Une meilleure information et une présentation adaptée des produits permettent de réaliser rapidement des économies. Les cantines scolaires ont également un rôle à jouer, notamment pour développer une culture alimentaire adaptées aux territoires.
En ces périodes de modération des salaires, il y a des manières de préserver le pouvoir d’achat et de permettre de mieux vivre tout en répondant au besoin de redresser les comptes publics. Les collectivités et l’Etat en premier lieu sont directement concernés : les particuliers ont une capacité à s’organiser, mais la débrouillardise n’est pas équitablement répandue. Il y a des obstacles de différentes natures à lever : comportements, équipements légers, réseaux, promotion de nouveaux modes de penser et de s’organiser, règles comptables à aménager, etc. Voilà un chantier important à lancer, pour assurer la sortie de crise à laquelle chaque ménage peut contribuer activement. C’est quand même mieux que de se sentir en permanence ponctionner pour combler un puis sans fond…
A noter l'importance que prend "l'économie collaborative". Voir par exemple à ce sujet la présentation d'un évènement, la semaine de l'économie collaborative
1 - Traduction bien pauvre de « incredible edible », mouvement qui nous vient d’outre manche, et qui fournit le titre du site consacré au mouvement incroyables comestibles en France.
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