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Apprentissage

Sudoku



Ce sport qui se répand comme une traînée de poudre, est en définitive rassurant. Il montre que la plupart d’entre nous savent composer dans un monde à trois dimensions.

Colonne, ligne et carré. Il faut trouver le chiffre qui trouve sa place à l’intersection de ces trois dimensions. La règle du jeu du Sudoku est ultra simple et se présente en deux lignes : « Remplissez la grille de manière que chaque ligne, chaque colonne, et chaque carré de 3X3 contienne une seule fois tous les chiffres de 1 à 9 », pour reprendre le mode d’emploi indiqué dans le Parisien. Il faut donc composer dans trois univers à la fois. Pas facile, et il y a tout un apprentissage, et des niveaux indiqués dans chaque exercice, allant jusqu’à expert ou diabolique ! Chaque chiffre placé selon une ligne interfère aussi sur son carré et sa colonne, avec des interactions qui peuvent parfois énerver ou décourager, alors qu’elles sont là pour guider le choix. Il ne s’agit que de 9 chiffres, et c’est leur nombre fini qui permet souvent de trouver le bon chiffre pour la bonne case. C’est par addition d’exclusions que l’on chemine, et que l’on trouve le bon chiffre, par déduction. Excellent exercice, qui nous entraîne à décrypter les mystères d’une combinaison de trois dimensions.

Le Sudoku offre des satisfactions purement spéculatives, immatérielles, et il ne demande pas, comme les mots croisés, une accumulation de connaissances, un capital de vocabulaire en l’occurrence, mais une forme d’esprit, cette approche « système » qui évalue en permanence le résultat d’un choix sur les trois dimensions. C’est un jeu mais il demande une structure particulière de pensée, qu’il cultive et renforce. Tout comme le jeu d’échecs qui conduit à maîtriser des enchaînements, en intégrant la part d’inconnue que représente le jeu de l’adversaire.

Le développement durable aussi est à l’intersection de trois dimensions, l’économie, l’environnement et le social. Mais le nombre d’éléments à organiser est bien supérieur à 9 ! Les solutions ne sont pas un chiffre parmi 9 que l’on connaît à l’avance, mais une création à imaginer à chaque fois, pour entrer dans les trois dimensions.

Pour y parvenir, il faut à la fois la volonté de répondre à trois questions simultanément, et une méthode pour faire émerger la solution originale qui satisfait simultanément trois équations différentes. Cette méthode, qui permet d’interroger la complexité des intérêts en jeu, de tirer profit de la richesse des acteurs et de leurs savoir faire, de leurs cultures, est la « bonne gouvernance ». C’est elle, dans la théorie du développement durable, dont la mise en oeuvre fait remonter des propositions de la part des acteurs, les mobilise pour en débattre, les confronter, les faire évoluer vers une construction commune, et de ce fait acceptée de tous. Ce n’est pas toujours facile, il faut sortir en général des solutions convenues, et des recettes peuvent aider. Il faut aussi une forme d’esprit habile à conjuguer des points de vue différents, voire des contradictions qu’il faudra surmonter. Cet art n’est pas spontané, il faut un apprentissage, et un entraînement régulier. On parle de médiation, ou de modération, mais la médiation et la modération ne s’improvisent pas. Il faut s’y préparer, et s’entraîner régulièrement.

Le Sudoku permet de sans doute de se familiariser avec un fonctionnement mental à trois dimensions, mais il a un autre avantage : il montre que des ingrédients en nombre bien faible, 9 au total, les 9 chiffres, offrent une variété de combinaisons quasi infinie, et qu’on peut les trouver avec un peu de méthode et de volonté. Bonne nouvelle !

Tout en entraînant à la réflexion en trois dimensions, le Sudoku permet à quiconque de s’éclater en ne consommant que quelques millimètres de la mine d’un crayon, sans risque d’être exposé à des rayonnements ou autres influences néfastes, avec en plus, la perspective de devenir un expert ! A consommer sans modération…



Chronique publiée le 18 janvier 2007

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