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Apprentissage

Modification

Il ne sert à rien de se lamenter ou de dire ce qu’il faudrait faire, il faut passer aux actes. Massivement, car ce ne sont pas quelques initiatives isolées qui changeront le monde. Comment provoquer la modification du comportement du plus grand nombre ?
C’est le peur de lendemains qui ne chantent pas du tout qui a souvent été mise en avant pour convaincre nos concitoyens de changer de comportement. Et on voit le résultat, souvent critiqué dans ce blog. La peur pousse au repli sur soi et à la frilosité, alors que le développement durable demande de la confiance en soi et de l’esprit d’entreprise. Pour que les « autres » changent, il faut donc commencer par changer de stratégie, et arrêter de parler des malheurs qui nous guettent. Evoquons plutôt des perspectives engageantes, le plaisir d’explorer de nouveaux territoires matériels ou immatériels, de nouer de nouvelles relations.
L’expérience montre que ça marche. L’histoire se passe aux Etats-Unis d’Amérique, à Omaha plus précisément, la « porte d’entrée de l’Ouest », dans le Nebraska, qui a donné son nom à une plage bien connue en Normandie. Il s’agissait alors des comportements de malades du cœur, déjà titulaires d’un triple pontage coronarien, et candidat à une deuxième opération. Pas d’espoir de salut sans modification de leur comportement, alimentation, rythme de vie, tabac, etc. Le constat était pessimiste. Les médecins avaient beau rappeler sans cesse ces exigences à leurs patients, ceux-ci ne parvenaient pas à changer. Ils revenaient à l’hôpital un an après leur opération, pour recommencer l’opération jusqu’à que la mort les emporte.
La perspective de la fin inéluctable n’avait aucun impact sur les malades, et un docteur eu l’idée de renverser le discours. Au lieu de décrire aux malades le triste sort qui leur est promis s’ils ne changent pas, il leur a demandé de penser à ce qu’ils aimeraient faire de ce qui leur reste de vie. Quelles aventures ils voudraient connaître, quelles personnes ils voudraient rencontrer, à quels plaisirs ils voudraient goûter. Que feraient-ils des années de vie gagnées ? Il a intégré cette recherche dans une approche par groupe, où les participants, tous volontaires, échangeaient et pratiquaient quelques activités communes. Il s’agissait de créer une dynamique collective, avec des rituels partagés tels que le yoga ou une alimentation végétarienne. Tout ça pour faire reculer la solitude et la dépression qui font des ravages dans ces situations, et donner envie de vivre. Et bien ça a marché, les patients prennent conscience qu’ils peuvent avoir un rôle pour améliorer leur santé, et pas uniquement la médecine. Et surtout leur moral remonte, avec une joie de vivre qui leur donne une raison de vouloir la prolonger. Les patients vivent plus longtemps, et ils vivent plus heureux. Et en plus, ça coûte moins cher : 7000 dollars par patient contre 30 à 46 000 dollars en cas de nouvelle opération. Du gagnant-gagnant pur sucre, pour les personnes et pour la collectivité, grâce à un changement de comportement obtenu non plis en faisant peur mais en révélant des bonheurs à portée de main.
Adieu donc les avertissements et la morale, bonjour le projet et le désir. Une règle qui se révèle payante dans le domaine de la santé, et qui peut l’être dans beaucoup de domaines. Voici un autre exemple, également en provenance de l’Amérique. La réinsertion de jeunes adeptes de l’héroïne. C’est la valorisation de l’utilité sociale de chacun qui est ici le levier de la sortie d’addiction, avec un taux de succès de 60%, qui est exactement l’inverse du taux de récidive. Un travail dans des entreprises d’insertion où ceux qui sont tirés d’affaire sont les coaches de nouveaux arrivants, selon le principe « one teach one ». La performance dans les activités d’insertion devient le moteur de l’évolution, et permet ainsi d’adopter progressivement de nouveaux comportements, un nouveau mode de vie.
Ces deux exemples sont issus d’une publication intitulée la vie happy, ou « changer les comportements pour changer le monde ». Il semble que le vent tourne. L’approche défensive du développement durable, fondée sur la peur d’un avenir compromis par nos errements et la faute morale vis-à-vis des générations futures, semble donner de signes d’essoufflement. La COP 21 a vu émerger le principe d’agenda des solutions, et la recherche de voies concrètes de modification de nos modes de vie apparait comme la voie du progrès. Le livre Green Nudge (1) en est une illustration récente. Sans négliger la défense, le développement durable se dote d’une attaque, d’une approche offensive capable de séduire au lieu de faire peur. Il faut, d’une certaine manière, démoraliser le développement durable !


1 - Voir la note de lecture  Green Nudge, Réussir à changer les comportements pour sauver la planète, Eric Singler,Pearson 2015

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