Méthode globale
La presse nous apprend que la méthode globale, pour apprendre à lire et à écrire, va être abandonnée. Une bonne chose, elle n'était pas seulement autorisée, mais elle était obligatoire. Pourquoi se réjouir de cette nouvelle, au titre du développement durable ?
La méthode globale consistait à reconnaître les mots, leur image d'ensemble, et non d'assembler leurs composantes, les lettres et les syllabes. La logique de la composition des mots était ainsi sacrifiée au profit d'une logique « optique ». Celle-ci permet sans doute de gagner du temps, de lire plus vite, en se mettant dans la tête les représentations de plus grand nombre de mots. Elle permet aussi de favoriser le sens du mot, au lieu de se focaliser sur des lettres, dont la lecture décomposée, ânonnée, risque de perdre tout attrait. Mais le volet «construction logique», d'où le mot émerge d'une effort d'assemblage, avec ses règles du jeu, ses références à des racines, des parties élémentaires apportant chacune une nuance, tout cela disparaît. Une commodité, certes, mais quel appauvrissement. L'acceptation aussi que l'exercice de construction soit délaissé, malgré toutes ses vertus pédagogiques, malgré sa capacité à forger une forme d'esprit favorisant la déduction par rapport à la reconnaissance directe. On ne reconnaît que ce que l'on connaît déjà, alors que le monde est vaste, qu'il est plein de choses que l'on apprend à découvrir tout au long de sa vie, et qu'il est en permanente évolution. La méthode globale, c'est se trouver désemparé devant une nouveauté, et c'est souvent chercher des réponses dans une bibliothèque intérieure de situations connues. C'est jeter des réponses toutes faites en face de questions nouvelles. Ce n'est pas du tout se préparer à entrer dans la complexité des choses de la vie, leur infinité de combinaisons, ainsi que le développement durable nous y invite.
Bien sûr, des enfants ayant appris à lire et à écrire avec la méthode globale auront également appris à raisonner, grâce à d'autres disciplines, mais combien de victimes, combien auront par la suite des difficultés à se structurer, n'ayant pas appris à décrypter les mots, lesquels souvent forgent notre mental ? Quand on raisonne mal, on tente de deviner. Une manière élégante de s'en sortir, mais qui ne marche pas toujours : il faut que le nombre de réponses possibles soit faible, et surtout qu'elles soient identifiables a priori. C'est le devineux, versus le raisonneux !
Derrière ce jeu de mot, c'est une attitude vis à vis des choses de la vie qui est en jeu. Le développement durable, c'est chercher des réponses originales, de manière à transformer des antagonismes en opportunités, c'est transformer des oppositions en forces constructives, sortir des contradictions « par le haut » ! cela ne peut se faire sans revenir aux fondamentaux, au sens profond des choses, aux besoins véritables, démarche qui permet de se débarrasser de préjugés, et d'idées reçues, qui constituent souvent de véritables blocages à la recherche de solutions originales. Revenir à l'alphabet et aux racines des mots est en ce sens un fameux exercice dont la méthode globale nous avait privé le temps de quelques générations.
Chronique publiée le 17 juillet 2007
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