Curiosité
Un mot curieux, qui se dit aussi bien d’un objet que du comportement de la personne qui l’examine. Un mot qui désigne à la fois un vilain défaut et grande qualité. Tout dépend à quoi la curiosité s’applique.
La curiosité maladive sur ce que fait son voisin, souvent sœur le la jalousie, n’est pas une qualité durable, mais elle n’est-ce pas comme ça que les pratiques, bonnes ou mauvaises, se communiquent ? Mon voisin a de très belles tomates dans son jardin, pourquoi pas moi ? La curiosité crée souvent de l’envie, qui, nous l’avons vu, peut être un moteur du développement durable. Encore faut-il que l’objet de ladite curiosité soit bien choisi. Rendons curieux sur les avancées du développement durable, les énergies renouvelables par exemple, pour leur donner une valeur sociale, pour en faire un objet de positionnement. Il faut être opportuniste pour promouvoir le développement durable, ne laissons pas les défauts humains aux seules mains des développeurs fous, ceux qui ne peuvent imaginer un monde qui ne soit pas infini. Il faut apprendre à les tourner à l’avantage de la planète. Rendre attractives les bonnes pratiques ne s’improvise pas, mais de grâce, ne les rendons pas rébarbatives.
La curiosité est aussi la manifestation d’une soif de savoir. Le savant est par nature un curieux invétéré, qui cherche à comprendre, qui veut savoir comment ça marche, qui veut connaître le dessous des cartes et les mécanismes profonds qui régissent le phénomène qu’il étudie. Bon pour le développement durable, cette curiosité, à condition qu’elle ne conduise pas à des imprudences, à des expériences aux conséquences non maîtrisées. Heureusement, il y a le principe de précaution, pour les cas où la connaissance est insuffisante et les risques trop lourds.
La curiosité conduit aussi à explorer des champs nouveaux, ceux des environs, que l’on ne connait pas bien. Sortir d’un univers étroit, abandonner ses œillères, voilà encore un défaut qui est bien utile au développement durable. Un défaut qu’il ne faut pas décourager, tout juste l’endiguer, l’orienter, mais à cultiver assurément. Les changements profonds qui nous attendent sur la voie du développement durable ne seront pas imposés, ils doivent être souhaités et même imaginés par des esprits curieux, qui n’ont pas peur de la nouveauté.
La curiosité caractérise aussi une chose ou un évènement bizarre, incongru, rare. C’est un animal exotique, une œuvre d’art qui dérange, le comportement inhabituel d’une personne. En un mot des différences qui intriguent. Les étudier, les comprendre, les accepter et en tirer des enseignements pour soi-même est le fruit de cette curiosité, qui ne peut être qu’enrichissante si elle sait dépasser un regard anecdotique, superficiel et condescendant. La curiosité est parfois la manifestation d’une anomalie. Une plante que l’on ne connaissait pas, un poisson des eaux chaudes pêché trop au Nord, une température record, un champignon qui se développe sur une culture. Une anomalie qu’il convient de ne pas prendre à la légère, de ne pas refuser de voir sous le prétexte qu’elle sort des limites de l’épure et qu’elle ne devrait pas exister. Combien d’inventions sont nées de l’analyse d’une anomalie, comme la fameuse pénicilline découverte par Alexander Fleming intrigué par des moisissures qui n’auraient pas du exister selon les canons de la science de l’époque. L’innovation passe souvent par l’analyse de bizarreries, que des esprits curieux cherchent à comprendre. C’est une attitude d’attention permanente aux signaux que le monde nous envoie, signaux positifs ou négatifs, forts ou faibles, qu’il convient de décrypter, pour en tirer profit.
Le développement durable nous conduit à être à l’écoute du monde, à l’observer tel qu’il est, en faisant au maximum abstraction des a priori que nous avons tous, peu ou prou, dans nos têtes. Sortir des ornières des modes traditionnels de penser, de nos représentations du monde, telle est l’attitude qui nous permet d’inventer un avenir différent, qui réponde aux défis de demain sans exiger de sacrifices. Juste en dévoilant de nouveaux horizons, et en proposant de nouveaux matins qui chantent. Une curiosité à stimuler pour changer de type de croissance, pour substituer des désirs originaux à la soif de consommation de biens matériels telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Les révolutionnaires de 1789 ont imaginé la déesse de la raison. Pourquoi pas une déesse de la curiosité, défaut magnifique qui permet à la fois de nous alerter sur les dangers qui nous menacent, et d’explorer des futurs incongrus ?
Chronique publiée le 27 avril 2009
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