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Apprentissage

Accompagnement

Conduire le changement, singulièrement le changement de comportement, est une affaire délicate. Une des manières de procéder est d’accompagner les efforts de ceux qui entreprennent cette mutation.
La transition vers un autre monde, qui accepte, cette fois, sa finitude s’opère tous les jours à l’occasion d’une infinité d’initiatives. Mais il faut qu’elles prennent corps, qu’elles s’agrègent pour faire boule de neige et entraîner de plus en plus d’acteurs dans la dynamique. Un accompagnement est bien utile pour y parvenir.


Une autre attitude semble dominer : le règlement. Bien utile, le règlement, pour caler les choses, pour consolider les acquis, et favoriser leur généralisation. Le règlement pour amener tous les acteurs à se mettre à niveau, oui, mais ne comptons pas sur lui pour répondre au besoin d’innovation. Là il faut sortir des rails, prendre du recul, s’autoriser la transgression, donner libre cours à l’imagination, avec comme seule limite le principe de précaution, pour éviter les dérives et des risques « graves et irréversibles ». La puissance publique et les grands acteurs professionnels disposent alors d’un autre outil : l’accompagnement.
Accompagner le progrès n’est pas le piloter. C’est créer les conditions favorables à la créativité, et savoir reconnaître les initiatives les plus prometteuses, les plus riches d’avenir. Parmi les manières de faire, il y a les labels qui créent des liens tout au long d’une chaine de production, de la matière première (renouvelable ou non) au consommateur. Prenons l’exemple du label MSC, Marine Stewardship Council. Il s’agit ici du problème de la surexploitation des océans et des produits de la mer. Comment changer le comportement des pêcheurs et des professions concernées ?
Grave problème. 29% des stocks de poissons dans le monde sont surexploités, et 61% le sont au maximum de leur capacité. Quand on sait qu’il s’agit des protéines pour 1 milliard d’habitants et des emplois d’un demi-milliard, on voit l’importance immédiate des enjeux, sans parler de la biodiversité et des innombrables services gratuits qu’elle nous rend, comme la protection qu’apportent les coraux dace aux risques d’érosion des côtes. Les pêcheurs sont pris dans le dilemme de réduire leur production et leurs revenus immédiats, ou de sacrifier leur avenir. L’alerte a été donnée avec l’effondrement des pêches à la morue sur les bancs de Terre-Neuve dans les années 1990. Un désastre économique et 35 000 emplois perdus brutalement. Le label MSC est né en 1999, en réaction à cet évènement, d’une alliance entre un gros acheteur, Unilever, et d’une ONG, le WWF. La première pêcherie labellisée est une pêcherie de langoustes, en Australie. Un label qui assure deux choses : la qualité de la pêche elle-même (pérennité de la ressource, maitrise des impacts de la pêche, système de gestion du milieu), et la traçabilité, de manière à assurer le lien entre l’origine du poisson et le consommateur. Car c’est en définitive la demande de ce dernier qui constitue le moteur du progrès.
Le consommateur est appelé à manifester son choix pour la durabilité, et à en faire bénéficier le pêcheur. C’est comme ça que le progrès est assuré. MSC crée le cadre favorable au changement, et assure l’accompagnement nécessaire. Le label s’inscrit dans une démarche de progrès continu. La labellisation commence en effet par une pré-évaluation, à l’initiative des candidats eux-mêmes. Où en sont-ils par rapport aux exigences du label ? La moitié des candidats s’aperçoivent ainsi qu’ils sont loin du compte, et abandonnent, avec, pour certains l’idée de revenir plus tard, quand ils seront prêts. Le label constitue pour beaucoup une référence, même pour ceux qui ne l’envisagent pas. Il permet de se situer, ce qui est souvent le début d’un processus d’amélioration.
Le label doit bien sûr se mériter dans la durée, avec des audits réguliers et un renouvellement complet tous les 5 ans, sur les bases d’une amélioration continue. Celle-ci est exigée au titre du label, dont le référentiel est revu fréquemment.
Les résultats observés après 15 ans de fonctionnement sont éloquents. Certes, les océans ne sont pas sauvés de la surpêche, et les objectifs affichés au plan international semblent bien modestes : arrêter la dégradation en 2020. Le fameux « retournement de la courbe ». L’inertie est grande, et le nombre d’acteurs à convaincre, la diversité de leurs intérêts, le poids de la pêche illégale, compliquent les choses. Mais le label permet de progresser. 10% des produits de la pêche sont aujourd’hui sous label MSC, avec de grosses variations selon le type de poisson (ou d’autre produit marin) et les pays. Mais pour les pêcheries labellisées, on observe une réduction des captures « accessoires », d’autres espèces que celles visées, la disparition des effets indésirables sur les oiseaux marins, une réduction des dommages aux milieux marins fragiles, et une amélioration des systèmes de gestion des milieux, avec notamment un effort de recherche scientifique. Et, last but not least, une augmentation des stocks, à l’issue d’une première période de modération. La pêcherie de Colin d’Alaska, certifiée en 2005, a vu son stock doubler, de même que le Hoki de Nouvelle Zélande. Merci, le label ! Un accompagnement gagnant-gagnant pur sucre !

 

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