Bifurcation mode d’emploi. A défaut de changer le monde, il s’agit ici de changer de trajectoire personnelle (ce qui n’empêche pas de vouloir aussi changer le monde). Bifurquer, changer de direction pour explorer d’autres modes de vie. Une épreuve dont certains ressentent la nécessité, une prise de risque qui demande un minimum de préparation. L’objet de ce livre, écrit à partir de l’expérience personnelle de l’autrice et d’une vaste enquête auprès de « bifurqueurs », est de baliser le chemin. Car « l’essentiel est l’aventure, le chemin, pas forcément les retrouvailles avec la vie d’avant ».
Sous la direction de Youssef Diab Aux éditions Eyrolles, 2023
Un livre collectif, issu des travaux de la chaire de valorisation des terres urbaines (EIVP/EDT). Comment passer aux actes, nous disons-nous, une fois compris les enjeux du développement durable ? Ce livre apporte des réponses concrètes, avec des exemples explicites, sur une dimension souvent oubliée dans la question urbaine : les terres. Une dimension tellement évidente qu’elle est devenue invisible, la meilleure manière de ne pas la prendre en charge.
Un hommage à la nature. Nous la contemplons le plus souvent avec les yeux, parfois avec le nez, les papilles gustatives ou encore le contact direct de notre corps avec le sol. Ici, c’est la nature perçue par nos oreilles. C’est un audio-naturaliste qui nous parle de son expérience, de ses surprises, de son amour de la nature. Une approche originale, qui nous ouvre un immense espace de découverte, tant les sons de la nature sont divers. Ils ont d’ailleurs existé depuis l’origine de la planète, avant l’émergence du vivant, avec les éruptions des volcans, le ressac de la mer et le grondement du tonnerre. Le bruit de la glace est particulièrement étrange, et vous aurez le privilège de l’écouter grâce à un relais par QR code. Une petite quarantaine d’enregistrements accompagnent le livre, tous plus étonnants les uns que les autres. Une illustration sonore très convaincante.
Publié par Jean-François Sautin le . Publié dans notes de lecture
Un livre de Bruno David Editions Grasset, 2021
La lecture de cet ouvrage publié en janvier 2021 par Bruno David permet de situer l’enjeu actuel du changement écologique radical et rapide auquel notre humanité est confrontée. Les alertes des scientifiques depuis de nombreuses années sont maintenant manifestes dans l’esprit du plus grand nombre en raison des excès climatiques. Il est de moins en moins possible de nier les conclusions du GIEC comme y sont encore tentés certains.
Un livre sur le paysage. Le paysage comme instrument privilégié sur la voie du développement durable. Fruit d’un travail du collectif « Paysage après pétrole », dont la présidente, Odile Marcel, affirme l’ambition dans l’avant-propos : « Le paysage peut devenir une voie d’accès à un modèle de société à construire, où l’économique, le social et l’environnemental seront pensés dans leurs interrelations nécessaires. Puisse cet ouvrage inspirer largement le monde qui s’annonce ».
Un livre sur la tolérance, pour inaugurer la collection « ça va bien se passer », qui s’adresse « à la majorité silencieuse désireuse de comprendre, sans s’énerver, les bascules de notre temps ». La chasse et la consommation de viande, le « carnisme », offrent un champ de bataille où s’affrontent les pro et les antis dans des termes violents et définitifs. L’auteur évoque « une vulgaire bagarre de cour d’école, où rivalisent des niaiseries immatures et des postures faciles ». « Chasseur repenti », il fait le pari, non pas de réconcilier les camps opposés, mais de créer les conditions d’un dialogue apaisé. La condition animale, la relation homme-animal, mérite mieux que des insultes ou des pugilats stériles. Deux sujets, donc, dans ce livre, le choc des espèces en première ligne, et caché derrière, la qualité des débats, la modération, la capacité dans notre pays à travailler avec des gens dont nous ne partageons pas les idées. C’est tellement plus facile, et plus « vendeur », de se montrer absolus, 100%, sourds et aveugles à tout ce qui n’est pas conforme à sa vision du monde, que d’accepter d’écouter et de chercher à comprendre les arguments des autres, lesquels ne sont pas forcément des idiots ou des salauds.
« La résilience, ce n'est pas seulement reprendre le contrôle. C'est d’être ouvert à la création de nouvelles voies d'insertion. » il s'agit donc d'une nouvelle chance que l'humanité pourrait se donner, pour une nouvelle étape de l'aventure humaine. Contrairement à la définition souvent entendue, la résilience n'est pas le retour à la situation antérieure, mais une nouvelle manière de construire l'avenir, en réaction à un choc, sur de nouvelles bases. Des bases plus modestes, que le mot « insertion » caractérise bien. L’humain a sa place dans le monde, mais il n'en est plus le maitre. Il doit s'y insérer, parmi toutes les autres espèces. Cette reconversion sera une épreuve, et Jérémy Rifkin nous propose ici quelques pistes pour les affronter.
« Une approche du projet à réinventer ». Le concept de réemploi conduit à revisiter les pratiques architecturales traditionnelles. Tel est le premier enseignement de cet ouvrage collectif, qui en explore les différentes modalités, les étapes de la démarche et les conditions du succès. La contrainte permet souvent de trouver de nouvelles voies de progrès, le bâtiment n’y échappe pas. En voici une, à partir du constat de la rareté des ressources. Une qui n’est pas nouvelle, elle a été largement empruntée au cours des siècles, mais elle a été mise à mal au siècle dernier, au profit d’une industrialisation et d’une approche linéaire de l’économie. Nous voici dans une approche circulaire.
C’est un manifeste que nous propose Jacques Ferrier, l’architecte de la « ville sensuelle », pavillon de la France à l’exposition universelle de Shanghai en 2010. L’enjeu est la relation du corps à la ville. « Il faut la vouloir, la rendre possible en dépit des gadgets digitaux qui sont devenus notre seconde nature ». Une critique du progrès, qui, au lieu de servir les humains, impose progressivement ses exigences. « Il ne s’agit pas de détechniciser la ville, mais de réorienter le recrutement des techniques et leur utilisation ». Au départ, le constat de notre enfermement. Enfermement physique, nous voici de plus en plus séparés de la nature, confinés dans les logements isolés du reste de la ville, dans un univers artificiel, qui a laissé « le grand air à la porte » au profit d’un air devenu un « produit de consommation ». Le conditionnement de l’air est le symbole même de cette séparation de la nature. La « respiration exacte » chère à Le Corbusier s’impose, l’artificiel est devenu la référence. Enfermement mental, dans une sorte de conditionnement de nos esprits, victimes d’un « envahissement numérique » et d’une soumission à la technique. « Ce que voient nos yeux et ressent notre corps est mis en concurrence avec l’intelligence artificielle des outils qui ne nous quittent pas ». L’évolution qu’il faudrait inverser vient de loin. Citons l’invention de l’immeuble technique, en Amérique du Nord dans les années 1880, le mouvement moderne en architecture, avec Le Corbusier en vedette, le confort comme « cheval de Troie qui fait entrer la technique et ses productions au cœur le plus intime de notre quotidien », l’injonction de la vitesse, la « ville sans contact » et le GPS qui s’est substitué au sens de l’orientation. Retrouver le contact avec la ville, la nature, le paysage, les éléments, tel est l’objectif. « Pour reprendre notre destin urbain en main, il faut se détacher du mythe du progrès et ne considérer la sphère technique que comme une formidable boîte à outils mise à notre disposition utilisée en connaissance de cause. » Aux contrats traditionnels, contrat social et contrat naturel, Jacques Ferrier propose d’ajouter un « contrat technique » pour « transformer le système technicien et utiliser son formidable potentiel à d’autres fins ». Une belle ambition.
La toute jeune collection « Les carnets du scarabée » nous présente son troisième livre, destiné à nous donner l’envie de mieux connaître la nature, avec quelques repères et quelques clés que tout un chacun pourra assimiler. Après les arbres et les oiseaux, voici la géologie. La terminologie même montre la difficulté de l’exercice. Il ne s’agit plus d’êtres vivants que nous côtoyons et apprécions tous les jours, mais d’une science, abstraite par nature, et donc plus difficile d’accès. Les carnets du scarabée ont fait appel, pour surmonter cet obstacle, à des géologues, bien sûr, mais qui ont une activité de guides naturalistes, et qui savent partager leur passion. Nous découvrons avec eux la géologie à travers le paysage, qui nous révèle l’histoire de chaque site, de chaque roche, de chaque faille, de chaque montagne, histoire riche des innombrables bouleversements que notre planète a connus depuis sa naissance, il y a 4,5 milliards d’années.
La nature à la portée de tous aurait pu être le titre de cette nouvelle collection des éditions Tana « Les carnets du scarabée ». Il est vrai que la culture naturaliste des Français est bien faible par rapport à celles de nos voisins comme les Britanniques par exemple, et cela malgré la présence sous nos yeux d’une richesse biologique exceptionnelle. La situation de la France hexagonale, à l'extrémité d’un grand continent, lui permet de bénéficier d'influences continentale, méditerranéenne, Atlantique et septentrionale, et d'être une zone de contact de ces influences, avec comme résultat une richesse botanique et zoologique remarquable : « près de 100 000 espèces animales et végétales s'épanouissent sur notre territoire, du sommet des montagnes au littoral, dans les lacs ou les rivières impétueuses, les forêts d'altitude ou les bocages, les froides tourbières ou les garrigues ensoleillées ». Une richesse que nous connaissons mal. Non seulement nous n'en profitons pas mais nous la mettons en danger par insouciance et ignorance.
Deux livres qui entrent dans une bibliographie déjà bien fournie sur la « ville durable » ou les « écoquartiers » (1). Les deux s'accordent d'emblée sur un constat : le rôle clé du partenariat. Tous les acteurs de la ville sont invités à participer à la construction pour l'un, à l'invention pour l'autre, de la ville durable. Le « Constructeur », d'ailleurs pressé car il veut faire plus vite. C'est un livre collectif, plusieurs organismes, plusieurs acteurs, et un déclencheur, l'appel à projet national « démonstrateur industriel pour la ville durable », DIVD, lancé en 2016 par les ministères de l'écologie et du logement. Un ouvrage orienté vers la manière de faire, évidemment collective. Nous entrons dans la fabrique de la ville durable.
Si vous avez trois sous à investir, ce livre est fait pour vous. Idem si vous en avez plus. L’objectif de ce petit (100 pages en gros caractères) livre est « d’exposer et clarifier les solutions proposées en réponse à la quête de sens des épargnants ». Il est vrai que la grande presse nous aide souvent à nous y retrouver pour « consommer responsable », et qu’il est plus difficile de trouver des conseils équivalents pour bien investir notre épargne. Les banquiers sont rares à vous entraîner sur ce terrain, malgré une demande sociale en hausse, et l’intérêt que chacun peut y trouver. L’observation des résultats montre en effet que la recherche de bénéfices sociaux et environnementaux est favorable aussi en termes financiers, même si ces conclusions ne peuvent pas être extrapolées. « Pour l’entreprise, la prise en compte des effets induits par son activité sur l’environnement naturel, sur ses propres ressources humaines, sur les zones dans lesquelles elle est implantée, est un moyen de renforcer sa performance globale ».
« La transformation écologique du monde nécessite une nouvelle spiritualité ». Un nouvel imaginaire, un nouveau mental pour reprendre un point essentiel des Trois écologies de Félix Guattari. Les religions sont directement impactées par cette nécessité, de manière active, en contribuant à l’émergence de cette spiritualité, ou passive en en subissant les conséquences.
Le plastique est tellement commode et économique qu’il a envahi la planète. Il est présent partout, dans les sols et dans la mer, et provoque bien des drames, soit par ingestion directe, soit par des produits toxiques qu’il contient, et qui se diffusent à la suite de sa décomposition. C’est le cas du phtalate, un perturbateur endocrinien, à partir du polychlorure de vinyle, par exemple. Et en plus, les plastiques durent longtemps, ils restent des années dans la nature. Le « dictionnaire du développement durable » a déjà présenté des livres sur ce sujet (1). En voici un autre, destiné à tous les amoureux des jardins.
Joseph E. Stiglitz et Bruce C. Greenwald Les liens qui libèrent, novembre 2017
Voilà un livre paradoxal. D’un côté un aspect très professoral, un livre issu d’une série de conférence pour des économistes chevronnés ; et de l’autre, la confirmation de nombreuses idées que chacun peut avoir spontanément, comme l’importance de l’apprentissage dans nos sociétés en perpétuelle évolution. Et ça fait du bien de voir ainsi confortées des hypothèses empiriques, qui passent ainsi d’un statut de « croyance » à celui de vérités scientifiques
Voici un livre qui aurait dû être lu par les candidats à l’élection présidentielle, tant nous avons entendu de contre-vérités au cours de ces derniers mois. L’essentiel sur ce sujet vital (au sens plein du terme) en 170 pages format poche, facile à lire entre deux rendez-vous ou dans le train. Une bonne base que chacun pourra compléter en fonction de ses préoccupations, par exemple avec le Journal des énergies renouvelables (1), qui vient de publier un hors-série sur l’agriculture et les énergies renouvelables.
« Et si l’aménagement était la variable d’ajustement de l’environnement et non l’inverse ? » résume bien l’esprit de l’ouvrage. Aller au-delà d’une approche défensive, où il est d’usage d’aménager en tentant de ménager l’environnement, avec l’idée implicite que « le laisser faire serait donc contraire à la notion d’aménagement ». L’auteur constate que les espaces naturels sont « rarement envisagés comme des espaces de développement ». Faudrait-il considérer le sauvage comme un « équipement » pour qu’il ait droit de cité ?
Tout faux ! Nous sommes infectés par des idées reçues qui nous empêchent de bien penser. Il est vrai que les questions environnementales sont complexes, avec les nombreuses interférences entre phénomènes, les effets « rebond » et les inconnues dont nous découvrons progressivement l’étendue et les effets. Ajoutons une bonne couche d’économie et de social, avec toutes les « idées reçues » qu’elle colporte, voilà une bonne excuse pour expliquer notre aveuglement. Renaud Duterne tente d’éclairer notre lanterne en « déconstruisant » nos raisonnements habituels, de ceux du café du commerce à tous ceux qui nous sont proposés par les experts mobilisés par les télévisions.
Règlements et normes diverses sont souvent accusés de brider la créativité et, par suite, de conduire à l’uniformité, mère de l’ennui comme chacun sait. En matière d’aménagement, le résultat est la ville chiante, pour reprendre le mot clé du titre.
Il s’agit d’un manuel universitaire, dont l’intérêt dépasse largement le milieu universitaire. Tout ce que vous vouliez savoir de l’économie écologique sans oser le demander.
L’économie écologique est une branche hétérodoxe de l’économie. Elle se distingue par le rejet de la vision simpliste de « l’homo aeconomicus », qui ignore le milieu dans lequel ledit Homo se meut, avec les interrelations physiques, biologiques et sociologiques qui influencent son comportement autant que les calculs d’optimisation économique. Elle s’intéresse aux « systèmes socio-écologiques complexes », au-delà de la pensée « simplifiante ». Celle-ci présente de nombreuses qualités, et a permis de nombreuses découvertes, mais elle rencontre des limites qu’il faut dépasser aujourd’hui. L’économie écologique veut sortir « des impasses des approches économiques traditionnelles (qu’il s’agisse des approches néoclassiques ou marxistes) lorsqu’il s’agit de traiter des ressources naturelles et de l’environnement ». Elle se présente comme « la science de la gestion de la soutenabilité ».