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Le fermier des océans

Bren Smith
©L’arbre qui marche, 2024

C’est l’histoire d’un mec… qui a compris que « les gens n’achètent pas des choses, mais des histoires ». La vie aventureuse qu’il a connue dès son enfance a fait naître en lui une conception originale de la manière d’exploiter l’océan. Pour nous la faire acheter, il nous raconte son histoire personnelle, qui tire sa substance à Terre Neuve où il est né de parents américains qui voulaient échapper à la guerre du Viet Nam. La mer est son univers, et il a d’abord contribué comme pêcheur, notamment en Alaska, à sa dégradation. Surpêche, ratissage des fonds marins, pollution venue du continent, il témoigne de ces pratiques qui ont amené en 1992 une décision radicale mais révélatrice : l’interdiction de la pêche à Terre Neuve. « Il est stupéfiant de constater qu'un effondrement écologique peut balayer un siècle de culture du jour au lendemain. »

Incapable de s’adapter à la vie terrienne, et marqué par les propos de Jacques-Yves Cousteau qui disait qu’il faut « planter la mer », il se lance dans diverses aventures d’élevage de poissons dont il nous relate l’histoire, de l’antiquité – Fan Li en Chine, 475 avant JC – à l’aquaculture moderne, en passant par les étangs des moines au Moyen-Age. Sa déception est grande de constater qu’il faut plusieurs kilos de poissons sauvages pour obtenir un kilo de poisson d’élevage. Mais surtout, il observe le péché originel à ses yeux de l’industrie aquacole : « Se basant uniquement sur le marché existant, elle cultive ce que le consommateur souhaite déjà manger. Le problème c'est que ces préférences proviennent de la pêche sauvage. » L’intuition lui vient alors d’inverser le raisonnement, et de s’interroger d’abord sur ce que la mer, « espace agricole singulier » peut produire spontanément.

La réponse n’est pas tombée du ciel, qui l’aurait plutôt contrarié avec des tempêtes qui ont détruit ses premières installations. L’adversité l’a obligé de rechercher d’autres approches, notamment de se tourner vers d’autres produits de la mer que ceux auxquels nous sommes habitués. La mer offre d’extraordinaires opportunités si nous acceptons de changer de menu. Et cela en « faisant avec » la mer, tout simplement, sans déséquilibrer les milieux comme les fermes aquacoles le font, sans injecter de produits chimiques ni émettre de carbone, bien au contraire : le varech absorbe 5 fois plus de carbone qu’une plante terrestre.

C’est là l’enseignement que nous livre Bren Smith, nous pouvons trouver de nouvelles ressources pour faire face aux besoins de l’humanité, à condition de changer nos habitudes alimentaires. Ce n’est pas une pénitence, les algues et les coquillages nous promettent des menus alléchants, dont certains figurent en annexe de l’ouvrage. La gastronomie et les algues font bon ménage, et l’histoire en témoigne dans de nombreuses parties du monde.

Mais gardons-nous des erreurs « de l’agriculture industrielle et de l’aquaculture ». C’est un « nouveau système alimentaire » qu’il faut « bâtir de A à Z ». Au « terroir », il faut ajouter le « merroir », qui ne demande qu’à se développer pour nourrir la planète. Une « agriculture océanique régénératrice », résumée en 10 articles, et dont les premiers pas se sont heurtés à d’innombrables obstacles, plus administratifs que techniques, et que Bren Smith nous décrit par le menu. Une série d’encadrés termine chaque chapitre, en forme de mode d’emploi pour installer sa ferme océanique. Une vie « comme un roman » !

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