Le climat après la fin du mois
Christian Gollier
©Presses universitaires de France/Humensis 2019
« L’économie est un sport de combat ». C’est un orfèvre qui le dit, le directeur général de la Toulouse School of Economics. « Pas de victoire possible dans la guerre pour le climat sans une mobilisation générale du peuple et des entreprises ». Le problème est que tout le monde est d’accord « pour que les autres réduisent leurs émissions ». « La démocratie, c’est la tyrannie du court terme ». Il va donc falloir beaucoup d’énergie pour installer le long terme dans les débats, et faire adhérer le plus grand nombre à l’effort nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique et préserver les générations futures.
Ce constat conduit Christian Gollier à rechercher ce que la science économique propose intégrer le long terme et les biens communs. Le point de départ de ses réflexions est le travail d’Arthur Pigou, « l’inventeur en 1920 du concept d’externalité et de l’idée d’une taxe pour en corriger les effets néfastes ». L’amorce du principe « pollueur payeur », pour faire converger les intérêts personnels et l’intérêt général. Les « externalités » sont les conséquences d’un comportement que le marché n’intègre pas spontanément, comme la consommation d’espace public ou la pollution de l’air. La taxe intègre ces externalités. Elle rétablit la vérité des prix et provoque un signal prix propre à modifier les comportements, et d’obtenir une « décroissance sélective » de ceux à l’origine d’externalités négatives. En ce qui concerne le climat, la taxe s’appelle « taxe carbone ». La question est alors de son montant. Celui-ci fait débat chez les économistes, mais un consensus assez large se fait autour de 50 euros la tonne. Le choix du taux d’actualisation est un élément important du calcul, qui fait l’objet de longs développements dans l’ouvrage. Christian Gollier nous présente un vibrant plaidoyer pour la taxe carbone, d’un montant unique pour tous les acteurs. Comparée aux autres outils économiques mis en œuvre pour changer les comportements, par exemple le bonus-malus des automobiles, la taxe carbone est la plus efficace, et permet de s’assurer que l’effort consenti pour réduire les émissions de carbone est optimisé.
Il reste à passer de la théorie à la pratique. Les gilets jaunes ont révélé la difficulté de l’exercice. Un des problèmes est le caractère « récessif » de la mesure. Les plus pauvres seront en proportion plus impactés que les plus riches. La question se pose aussi à l’échelle internationale, entre les pays les plus pauvres, les moins responsables des émissions, et les plus riches, à l’origine du problème. Pour Christian Gollier, les inégalités constituent un sujet à part entière, qui doit être traité comme tel, avec des transferts et des compensations tels que les chèque énergie. Pour la France, la taxe correspond en moyenne à 300€ par an, qui pourraient être absorbées dans des mesures de solidarité sans affecter le signal prix de la taxe. Les modulations du montant de la taxe, parfois envisagées pour tenir compte des inégalités et des situations individuelles ou collectives, présentent le risque de créer des « fuites de carbone », qui ne réduiraient donc pas le volume des émissions. La taxe carbone universelle permet aussi de lutter contre les « passagers clandestins » qui profiteraient des efforts des autres sans en faire soi-même. Pour avancer malgré les difficultés, Christian Gollier préconise « une coalition climatique de pays ambitieux volontaires pour mettre en place un prix du carbone en commun, avec une taxe douanière pour lutter contre les fuites de carbone ».
Christian Gollier analyse la conférence de Paris et les différents COP, qui n’ont voulu entrer dans cette logique, et d’une manière générale il propose un mode d’évaluation des politiques publiques concernant les « biens communs », au premier rang desquels figure le climat. Il évoque également les apports des entreprises privées, et montre les limites des espoirs dans ce domaine.
Un cours d’économie de l’environnement, accessible au plus grand nombre, et un auteur engagé, le citoyen y trouvera de quoi entrer dignement dans le débat « fin du monde ou fin du mois ».
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