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La ville pas chiante

Alternatives à la ville générique
Ariella Masboungi et Antoine Petitjean
Préface de Patrick Bouchain
© Editions du Moniteur, 2021


Règlements et normes diverses sont souvent accusés de brider la créativité et, par suite, de conduire à l’uniformité, mère de l’ennui comme chacun sait. En matière d’aménagement, le résultat est la ville chiante, pour reprendre le mot clé du titre.


Est-ce une fatalité, peut-on, tout en respectant le cadre juridique des opérations, produire une ville pas chiante ? C’est ce qui nous est montré ici, avec moultes exemples et propos d’auteurs d’opérations innovantes, et évidemment pas chiantes. Patrick Bouchain l’affirme clairement dans la préface : « Le responsable n’est pas le millefeuille règlementaire et administratif, mais l’absence de confiance, cette méfiance permanente devant toute initiative et envers ceux qui imaginent, inventent, agissent, prennent à bras le corps la vie et le réel. Là est la cause de l’ennui ».
En route, donc, à la découverte de la ville pas chiante, alternative à la ville générique, fille d’une application mécanique de règlements. Les auteurs ont identifié 10 défis à relever sur le chemin. Ils relèvent pour la plupart de l’amour du travail bien fait, au-delà des contraintes de toutes sortes, mais c’est un plaisir de les voir regroupées, mises en cohérence, et illustrées de nombreux exemples.
Le premier défi est de placer le paysage à l’origine. « Inverser le regard », selon Bernard Reichen, « regarder de l’extérieur vers l’intérieur pour se relier au contexte avant de se recentrer sur le projet ». Le génie du lieu avant toute chose. Ensuite vient le programme, à géométrie variable, évolutif, pour intégrer l’air du temps. « Une inventivité stimulante pour l’aménageur ». Une approche qui permet de relever le troisième défi, rendre la ville « permissive ». Elle « s’invente à plusieurs, qui rend libre et joue avec les initiatives ». « Le rôle de l’élu n’est pas de contrôler l’application d’un règlement, mais de veiller à ce que la règle serve l’ambition de vivre ensemble de manière heureuse ». Une ville pas chiante « pour tous » est le 4e défi. Une ville solidaire et émancipatrice, soucieuse tout particulièrement des transitions. Comment aménager sans exclure ? Les auteurs prônent la recherche d’un modèle économique pour l’urbanisme transitoire. Le 5e défi consiste à « rez-de-chausser » la ville. Objectif : une ville « marchable », où le commerce se fond dans « des linéaires privilégiés, s’ouvrant à l’activité, l’artisanat et les activités sociales et artistiques, l’économie sociale et solidaire… ». Une transposition de la formule HLM pourrait être un instrument à mettre en place pour y parvenir. Le 6e défi est de jouer avec le transitoire, d’en faire une occasion d’anticipation. Les « tiers lieux » aménagés sur des territoires en mutation sont autant d’instruments pour explorer et expérimenter la ville de demain. « Toute politique urbaine peut être appréhendée sous l’angle de la santé publique touchant à l’alimentation, la qualité de l’air, la présence du vivant, l’impact des différentes sources de pollution et surtout l’accès équitable aux aménités urbaine et naturelles », voilà le 7e défi, sous le titre de « ville du bien-être ». Le 8e fait l’éloge de l’imprévu, l’accident, l’incongru. Pour lutter contre « l’excès de géométrie », il faut « ponctuer l’espace, lui offrir des marges, des points de contact », y compris des « vides de petite taille dans le tissu urbain ». Le 9e concerne la ville productive, où « tous les métiers ont droit de cité ». Pour cela, il faut « une invention économique et typologique qui même production, services et tertiaire, portée par des enjeux de complémentarité, d’efficacité, de rentabilité et de solidarité ». Le 10e est le pari sur l’avenir. La ville n’est jamais finie, et doit rester ouverte à de nouvelles aventures. La ville devient ainsi un millefeuille en « enrichissement permanent ».
Dix défis, dix pistes, et surtout un appel à la créativité tous azimuts, technique, juridique, sociale et sociétale. Des ingrédients pour la fabrique de la ville, utiles aux aménageurs, aux élus, aux citoyens. Il reste le coup de main, le talent, le sens du collectif nécessaires pour donner du sens aux projets, et renforcer la personnalité des villes.
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