La vie des arbres & De mémoire d’arbre
La vie des arbres, un livre de Francis Hallé publié par Bayard éditions, 2024 dans la collection « Les petites conférences »
De mémoire d’arbre, de Thierry Gauquelin, aux éditions Tana, 2024
Deux approches de l'arbre, avec infiniment d'amour pour ce témoin de siècles, voire de millénaires de notre histoire. Une approche générale une approche appliquée à la vie d'un arbre particulier.
Francis Hallé nous propose une « petite conférence » où « il n'est question que d'éclairer et d'éveiller » selon l'initiatrice de la formule Gilberte Tsaï. Une formidable introduction dans l’univers des arbres.
« Sans les arbres nous ne serions pas des êtres humains ». Francis Hallé fait une véritable déclaration d'amour aux arbres. Il nous décrit aussi leur fonctionnement qui leur aura permis de traverser une diversité d'époques et de climats, grâce à leur capacité d’adaptation et leur frugalité. L’arbre ne fait pas l'unanimité. Il est souvent évoqué dans notre littérature, mais parfois avec hostilité et mépris par Gilles Deleuze et Samuel Beckett par exemple. Il l'est aussi avec admiration de Voltaire à Paul Valéry qui écrit notamment « l'arbre fait voir son temps » dans un petit livre intitulé « Dialogue de l'arbre ». Le temps de l'arbre est long. Le record de longévité serait tenu par un houx royal de Tasmanie, 43000 ans. En Californie se trouve des Pinus longaeva de 5000 ans, qui « ont germé au moment où le pharaon égyptien construisaient les pyramides ». Chez nous, c’est un olivier de 2000 ans, « contemporain de la voie romaine qui allait de Rome à Narbonne ». Une longévité qui s'explique par le renouveau chaque année du patrimoine génétique des arbres, et de leur « virtuosité biochimique » qui leur procure des défenses -dont les humains ont d'ailleurs su bénéficier- et qui leur permet de communiquer entre eux. C’est parmi les arbres que l'humanité a émergé, fruit de l'évolution darwinienne, un des rares animaux verticaux avec l'hippocampe et le manchot empereur, et pourvu d'organes adaptés à une vie arboricole pour rattraper les branches et voir les reliefs.
Cette petite conférence, qui nous a éclairé et éveillé, offre également un excellent fond de décor à l'aventure d'un genévrier thurifère né en 1505 dans le Haut-Atlas marocain, parcouru alors par Léon l'Africain. C'est lui qui nous parle, transcrit par la plume de Thierry Gauquelin. « De mémoire d'arbre » parle de sa naissance, fruit d'un concours de circonstances hasardeux car la graine (un galbule) dont il est issu a beaucoup voyagé, peut être en passant par le tube digestif une grive musicienne. Elle a su trouver un milieu favorable à l'ombre d'un arbre qui a permis la création d'une couche d'humus. Il nous raconte son implantation, la rencontre de ses radicelles avec des champignons mycorhiziens. Ce sont ensuite ses défenses contre les herbivores avant qu'il ne leur échappe au bout de 10 à 15 ans de croissance. Il nous parle de sa famille, les gymnospermes, et des arbres qui l'entourent à distance, ce qui leur permet un bon accès à la lumière, et de ses innombrables petites feuilles qui lui permettent de la capter « du matin au soir, de l'hiver à l'été ». Malgré son éloignement des villages, il en voit passer du monde, modeste comme le berger Driss et ses chèvres voraces, et des personnalités comme Lyautey et l’ingénieur forestier Boudy qui élaborent une politique forestière pour le Maroc. Ce sont aussi Charles de Foucault et quelques botanistes, voire des touristes et des scientifiques de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech dans les années 1980. Ceux-ci vont implanter une station leur permettant de suivre l’évolution du milieu, l’eau, les sols, la végétation, le climat. Voici notre arbre et son milieu décrit dans des publications scientifiques ! Il était temps, car il nous décrit aussi les effets de l’activité humaine et du climat sur lui-même et ses congénères, et ses craintes pour la pérennité de son espèce qui a de plus en plus de mal à se reproduire malgré sa résistance : il a survécu récemment à un terrible tremblement de terre.
« Sans les arbres nous ne serions pas des êtres humains », nous disait Francis Hallé. Le genévrier thurifère de Thierry Gauquelin en tire les conséquences :« Si nous disparaissons, vous disparaitrez avec nous ».
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