Glissement de terrain
Eve Charrin
©Bayard éditions, 2024
C’est l’histoire d’un « engrenage institutionnel ». Comment un morceau de nature, un ilot de biodiversité au cœur de la banlieue, se trouve menacé et en partie détruit malgré les grandes déclarations sur l’environnement.
Il s’agit de jardins ouvriers à Aubervilliers, entre une cité et un fort, à proximité d’une sortie de métro. Il faut une clé pour y accéder, c’est un domaine réservé aux heureux bénéficiaires d’une parcelle. Vous y pénétrez, et c’est un autre monde que vous découvrez, dans une ambiance « congé payé » des années 1936. Un espace préservé, où la nature s’exprime sans contrainte. Mais un espace convoité pour y installer une gare de la ligne 15 de métro, puis pour une piscine olympique (de compensation) où s’entraineront les nageurs des JO de Paris. Le décor est planté, et l’autrice nous présente les acteurs du drame qui se prépare, côté jardin, ses usagers, ses responsables et leurs alliés, et côté ville, les élus et établissements publics en charge. Vous suivez ensuite les différentes péripéties, l’engrenage fatal, qui débouchent sur une intervention au petit matin de bulldozers qui vont détruire une partie de ces jardins et de leurs arbres, un « saccage », malgré une procédure en référé dont les conclusions – de suspension des travaux - seront connues 15 jours plus tard, mais n’auront guère d’effet sur le terrain. Références à la ZAD de Notre Dame des Landes, à l’aubaine que représente pour la commune une opération à 33 millions d’euros, aux pratiques courantes de financement par le privé de services publics, intégrant les exigences des financeurs. Une opération dont sont victimes à la fois les humains et la nature, qui est manifestement considérée comme sans valeur par elle-même. Une parcelle non exploitée n’existe pas. Consternant, à l’heure du réchauffement climatique, où les espaces de fraicheur et de nature sont recherchés activement, mais pas vraiment surprenant.
Et puis l’aventure se renouvelle, quelques années plus tard, mais avec d’autres interlocuteurs côté ville, et qui se termine plutôt bien, mais qui montre que la pression est toujours là. Ces ilots de verdure, jardins ouvriers ou autres espaces sauvages, resteront pour les aménageurs « du foncier en attente de valorisation marchande ». Une fragilité manifeste, à la fois dans les esprits et dans les institutions. Tout est prêt pour que les « engrenages » se mettent en place
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