Rédigé par Dominique Bidou le . Publié dans Le dictionnaire.
Chaque mot de la vie courante, tel que Ballon, Client, ou encore Papier, peut trouver un sens dans l’univers du Développement durable. C’est ce sens qu’il vous est proposé de découvrir. Nous partons ainsi de la vie quotidienne pour aller vers le Développement durable, au lieu de partit de définitions des termes spécifiques au Développement durable pour les appliquer à la vie quotidienne.
Ce ne sont pas à proprement parler des définitions que vous trouverez dans ce dictionnaire. Ce sont des réflexions, des expériences et des réalisations, des recherches, qu’un mot ordinaire peut inspirer dans l’univers du Développement durable.
Le constat de départ est simple : le Développement durable est l’objet de nombreux malentendus. 30 ans après sa création, et malgré un usage très fréquent, il est toujours mal compris. Les causes en sont multiples, allant de l’abus de langage au jargon des spécialistes, en passant par les rivalités entre chapelles, et l’action des lobbys hostiles au changement. Il n’empêche que le concept que portent ces deux mots « Développement durable » est riche et propre à susciter l’initiative. Il nous éclaire pour explorer le monde de demain, qu’il nous faut construire aujourd’hui.
Le Dictionnaire vous propose une approche Développement durable à partir de mots courants. Le premier ainsi projeté sous les feux du Développement durable a été « Shampoing ». C’était en 2006, il y a donc une dizaine d’années. Bien d’autres ont suivi. Vous en trouverez plus de 700. Vous accéderez soit par le moteur de recherche (Rechercher un mot [lien]), soit à l’aide le listes, alphabétique ou par grande thématique (Les mots du DD [lien]).
La liste n’est pas close. De nouveaux mots enrichiront ce premier lot, et chaque internaute est invité à proposer des contributions, dans l’esprit du Dictionnaire. Ce seront des mots nouveaux, ou des compléments, remarques, ou critiques sur les mots existants. Une forme d’économie collaborative appliquée aux mots du Développement durable..
« Dans le cochon, tout est bon » expression d’une sagesse populaire, pourrait bien redevenir une ligne de conduite incontournable, et pas seulement pour le cochon, pauvre bête. Une manière plus populaire et plus utilitariste de dire comme Lavoisier que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Hier, c’était le cochon. Dans le cochon, tout est bon. Aujourd’hui, c’est le poisson. C’est un article du journal Le Monde 1 qui nous l’apprend : En Islande, dans le poisson tout est bon. « De plus en plus d’entreprises tirent des utilisations cosmétiques ou médicales parfois surprenante des parties autrefois considérées comme des déchets, comme la peau et les viscères ». Résultat : la valeur tirée d’un kilo de poisson a doublé en 20 ans. Ajoutons la création d’emplois, pour la recherche et la transformation, et une forte baisse des prélèvements, permettant une reconstitution du stock de poissons. Rien que du bonheur. Il est donc possible d’intensifier l’usage de la ressource primaire, de gagner plus d’argent, de créer des emplois et de faire du bien à l’environnement. C’est un état d’esprit qui l’a permis. Au lieu d’intensifier les captures, au risque de mettre en danger la poule aux œufs d’or, le cabillaud en l’occurrence, c’est son usage qui est intensifié. Voilà un modèle à suivre, bon pour la nature, l’emploi (en nombre et en qualité) et pour l’économie. L’intensité au bon endroit. Peut-on le transposer dans d’autres secteurs ?
Pyramide écologique, pyramide des âges, pyramide humaine, pyramide de Khéops, quelle que soit la pyramide, il faut partir de la base, même si c’est le sommet qui est le plus visible et fait l’objet de toutes les attentions. La dégradation de la biodiversité vient nous le rappeler opportunément.
Les espèces menacées, endémiques, en voie de disparition ont fait l’objet de politiques volontaristes depuis que la protection de la nature est reconnue comme une nécessité. Ce sont des symboles de la biodiversité, et sont de bonnes indicatrices de l’état de santé général d’un milieu. La disparition d’un prédateur, en bout de chaine alimentaire, bouleverse tout un équilibre, et appauvrit l’environnement bien au-delà de l’espèce perdue ou réduite. Le cas des requins en est une illustration bien connue, et on peut aussi parler des loups, des rapaces, et de nombreux animaux que l’on doit protéger aujourd’hui.
Le climat fait partie de notre patrimoine. Un patrimoine commun qui se dégrade, ce qui pourrait provoquer de graves désordres. Et si la lutte contre l’effet de serre était un défi porteur de progrès ?
Nous pensons souvent aux grands deltas dans le monde, touchés par la montée du niveau de la mer ; nous pensons aussi, pour la France, aux stations de sports d’hiver, qui devront se reconvertir faute de neige : toutes les régions sont touchées. En 2013, l’Aquitaine a été la première région en France à tenter de transposer sur son territoire les effets du changement climatique(1). [ Changement ou dérèglement, plutôt que réchauffement, car le réchauffement global et en moyenne se traduit dans les faits par des évolutions contrastées dans le temps et dans l’espace ].
L’amour de la nature et des êtres vivants est profondément ancré dans nos cultures. La biophilie, car c’est comme ça qu’il s’appelle, relève du lien millénaire entre l’Homme et la nature. Une approche affective, complément fort utile aux approches rationnelles.
C’est le titre d’un livre, paru en France en 2012, écrit par un entomologiste, professeur à l’Université d’Harvard, Edward 0. Wilson. Il est aussi un des pères du concept de biodiversité. Biophilie et biodiversité, deux approches complémentaires du vivant.
La biophilie est l’amour du vivant, l’attrait qu’il inspire. La biodiversité est une de ses caractéristiques essentielle, l’indice de sa richesse, de son exubérance, et de sa résilience. L’une fait référence à l’affectif, au sentiment, et l’autre à la raison, à, la connaissance.
Il y a plusieurs manières de s’intéresser à la nature, et plusieurs raisons de vouloir la protéger. L’une est utilitaire. Nous (l’humanité) lui voulons du bien parce que c’est notre intérêt. Elle nous procure une quantité de services, elle nous fournit des produits. La nature nous offre le gîte et le couvert. Le gîte, notre habitat, nos lieux de vie, notre climat, l’air que nous respirons. Et le couvert, notre nourriture et toutes les ressources dont nous avons besoin pour nos activités. Dégrader la biodiversité revient à appauvrir un capital dont nous bénéficions chaque jour, alors que nous sommes de plus en plus nombreux et de plus en plus exigeants. Mauvais calcul. La biodiversité est aussi notre assurance vie. Nous avons sélectionné quelques variétés, animales ou végétales, pour répondre à nos besoins, une toute petite partie du patrimoine génétique mis à notre disposition par la nature, et c’est dans cet immense réservoir, que nous ne connaissons que très imparfaitement, que nous pourrons trouver, en fonction des circonstances, des réponses à nos problèmes de dégénérescence, ou des instruments de résistance à des agressions.
Une approche raisonnable, fondée sur l’intérêt de l'espèce humaine. Une approche fragile, car elle suppose la sagesse et la connaissance, qui ne sont pas toujours au rendez-vous. La tentation est forte, parfois, d’abandonner la modération dans les prélèvements, pour faire face à une crise, pour damer le pion à des adversaires ou des concurrents, pour accroître sa part de marché, ou tout simplement parce que l’on n’a pas compris l’intérêt de ménager la ressource. Rappelez-vous le « grand bond en avant », en Chine en 1958. Une des mesures décrétées par le président Mao était l’éradication des 4 nuisibles parmi lesquels les moineaux, accusés de manger du grain. Le résultat fut une catastrophe, car les moineaux mangeaient aussi des insectes, qui purent proliférer et ravager les cultures. L’appauvrissement de la biodiversité a conduit à un déséquilibre, à l’origine d’une grande famine, plus de 30 millions de morts. La simple raison, qui conduisait à protéger les oiseaux, a été malmenée. Une approche affective est d’une autre nature. Elle n’exige aucun diplôme, elle résulte d’une longue histoire intégrée dans nos cultures, et peut-être nos gènes. C’est le « fruit de notre longue co-évolution avec le vivant non-humain » selon E.O. Wilson. Cet amour du vivant s’exprime de mille manières : le goût du végétal dans la ville, des arbres dans les jardins publics et dans les rues, des fleurs dans votre jardin, votre appartement ou votre balcon, l’amour des animaux, domestiques ou sauvages. Pendant les vacances, combien d’entre nous recherchent le contact avec les éléments naturels, l’eau, la faune, la flore, la vie sauvage. Les politiques de nature en ville, qui se développent actuellement, tentent de compenser l’artificialisation des grandes cités. Elles répondent à une attente des citadins, ou au moins d’une grande partie d’entre eux. Le chant des oiseaux, c’est sympa. La nature en ville enrichit ladite ville, lui apporte une dimension humaine, paradoxalement, avec un rappel, bien ténu mais réel, de l’habitat originel de l’humanité. La biophilie joue sur d’autres ressorts que l’intérêt, elle n’a pas besoin de raisonnement ni de connaissances approfondies des écosystèmes, des chaines action/réaction. Elle est spontanée, populaire, et c’est une grande force. C’est aussi une fragilité, car ce besoin de nature ne se ressent souvent que quand il y a déficit de nature. C’est alors trop tard, le mal est fait, et parfois de manière irréversible.
On le voit, la raison et la sensibilité ont chacune leurs atouts et leurs faiblesses. Il est fréquent qu’elles soient opposées, avec les adeptes de l’une contre les adeptes de l’autre. Paul Valéry avait réagi à cette opposition artificielle en proclamant que « la sensibilité est le moteur de l’intelligence », mais il n’a pas été assez entendu. Au lieu de les opposer, il faut les assembler, pour qu’elles se renforcent mutuellement, en réduisant les faiblesses de chacune d’elles. La biophilie une des raisons de préserver la biodiversité, au même titre que nos intérêts bien compris. Biophilie et biodiversité, même père, même combat !
Pendant le Brexit, l’Europe continue ! La Commission publie la liste des 37 d’espèces animales et végétales, venues d’ailleurs et indésirables en Europe. En vedette : le raton laveur !
C’est Jacques Prévert qui l’a rendu populaire. Et avec quel talent ! Malgré cette formidable publicité, ce ne serait pas un ami. Il fait partie des 37 espèces montrées du doigt par la Commission européenne, et désignées « invasives » en application d’un règlement européen publié le 4 novembre 2014.
Il s’agit ici du patrimoine collectif, celui de l’humanité, et tout spécialement du patrimoine naturel. Malgré les protections dont il bénéficie, il est menacé par la recherche de pétrole. Comment assurer la durabilité de ce patrimoine ?
Nous connaissons tous le patrimoine mondial de l’humanité, classé par l’UNESCO, et qui désigne des sites exceptionnels, ou des éléments de culture, allant jusqu’à des modes de vie comme le déjeuner familial en France. Le patrimoine naturel constitue dans cet ensemble une catégorie particulière, un cinquième environ de l’ensemble si l’on tient à quantifier ce qui n’est guère quantifiable.
Les lieux d’une richesse biologique exceptionnelle, où l’on trouve des espèces rares et souvent menacées. Parmi les plus emblématiques citons les gorilles de montagne, les éléphants d’Afrique, les léopards des neiges, les baleines et tortues marines. Pour prendre un exemple, la barrière de corail en Australie, qui a fait parler d’elle à cause des projets d’aménagements de ports et d’exploitation sous-marine, est un de ces sites. Leur surface ne représente que 1% de la surface de la planète, dont une bonne part dans des régions reculées, loin de tout, et protégée de ce fait de la fréquentation et de l’artificialisation qui en serait résulté.
Ce patrimoine est menacé. Un tiers des sites concernés ferait l’objet de projets d’exploration pétrolière, gazière ou minière. Les protestations que l’affaire de la grande barrière de Corail a suscitées ont permis de réduire les menaces, mais bien d’autres sites sont touchés. Il est vrai que les sites les plus évidents ont été prospectés depuis longtemps, et que les recherches atteignent aujourd’hui ces secteurs plus difficiles d’accès. Ajoutons que les techniques d’exploration se sont fait plus performantes, et ouvrent des perspectives là où il n’y avait aucun espoir il y a quelques années, dans des conditions extrêmes, sous les calottes glacières par exemple. Les conditions sont réunies pour franchir une étape, et pénétrer dans ces sanctuaires jusqu’ici inatteignables. Que valent ces gorilles et autres tortues marines face aux appétits des humains, toujours à la recherche de ressources nouvelles ?
C’est donc un cri d’alarme que lance le WWF, à la suite de l’étude qu’il a conduite avec différents partenaires, sur les sites naturels du patrimoine mondial de l’humanité (1). On pourrait ajouter au dossier les nombreux sites exploités depuis longtemps, de haute valeur écologique mais dont la dégradation a empêché toute forme de protection. Les grands deltas sont nombreux à avoir fait l’objet d’exploitation bien avant que l’UNESCO ne commence à classer les sites remarquables pour l’humanité. Nous sommes en plein paradoxe. D’un côté les recherches de nouvelles réserves continuent de plus belle, et de l’autre, il est établi que l’humanité ne doit pas consommer toutes les ressources fossiles déjà connues, pour cause d’effet de serre. Le carbone ainsi stocké dans les profondeurs y est très bien, et pour éviter de dépasser les 2 degrés de réchauffement, les deux tiers des ressources connues devraient y rester. Nous avons tant de mal à capter le CO2 et à le séquestrer, pourquoi se donner encore plus de mal à vouloir l’extraire et le remonter à l’air libre ?
Il est fréquent que la main droite ignore ce que fait la main gauche, mais dans le cas présent, nous perdons sur tous les tableaux, climat et biodiversité. Comme les deux sont par ailleurs liés, le dérèglement climatique bousculant les écosystèmes, craignons un effet de résonnance, avec une dégradation encore plus rapide et inexorable que l’addition des effets de chacune des causes prise isolément. Le climat fait à l’évidence partie du patrimoine mondial de l’humanité. Chaque communauté humaine s’est développée avec son climat, qui a marqué sa culture et son mode de vie. La France, à l’extrémité du grand continent européen, en charnière entre les influences continentales, océaniques, méditerranéennes, bénéficie notamment d’un climat tempéré humide qui a marqué son histoire, façonné sa personnalité, et lui a apporté une exceptionnelle richesse biologique.
Est-ce une coïncidence ? Au moment précis où le rapport est publié, La France agrandit son patrimoine, en étendant son domaine sous-marin à l’issue d’une longue procédure. Une surface proche de celle de l’hexagone vient de changer de statut pour les sols et sous-sols du plateau continental, au-delà des 200 miles de la zone économique exclusive. Espérons que cette extension favorisera la protection de la biodiversité de ces secteurs, essentiellement en zone tropicale et australe (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Nouvelle Calédonie et îles Kerguelen).
La criminalité organisée se glisse dans toutes les failles qu’elle peut trouver. L’environnement est un domaine où le crime semble payer. Il est devenu un champ de manœuvre des mafias. Le droit français de l’environnement est conséquent, mais il a un parent pauvre : le droit pénal. Un seul « crime » y figure, le terrorisme écologique, alors que la criminalité environnementale dans le monde est parvenue au pied du podium : c’est la 4e par les volumes d’argent qu’elle brasse.
La trame verte et bleue s'étend progressivement dans nos villes et nos campagnes. Une nouvelle approche de l'aménagement, propice à des confrontations fructueuses, et à des doubles dividendes !
Dans le langage de référence du développement durable figure le mot « découplage ». Séparer la courbe de la croissance de celle des prélèvements de ressources et des pressions sur la planète.