Participatif
De nouveaux modèles économiques devront être imaginés pour entrer dans l’ère du développement durable. Economie de fonctionnalité, économie circulaire, internalisation des coûts externes, et bien d’autres orientations demandent des modèles adaptés. Le volet participatif de la nouvelle économie est un des aspects de la question.
Nous sommes aux Haies, modeste commune du Nouveau Rhône, 772 habitants, à 10 km de Givors et limitrophe de Condrieu, célèbre pour ses vins. Une commune du parc naturel régional du Pilat. Particularité : c’est la première collectivité à disposer d’une « centrale villageoise ». Une centrale électrique à l’échelle du village, exploitant les toits de ses maisons, de manière participative. L’idée est née en 2010, la mise en service a eu lieu en août 2014. C’est l’agence régionale de l’énergie et de l’environnement (RAEE) qui porte le dispositif à l’échelle de la Région Rhône-Alpes, en s’appuyant sur les territoires d’expérimentation que sont les parcs naturels régionaux. Il a fallu plusieurs années d’études juridiques (quelle structure créer : Une SAS, une SCIC ?), économiques (quel modèle économique pour ces centrales d’un nouveau type ?) et paysagères (quelle intégration des capteurs dans le paysage de ces villages ?) pour trouver la bonne formule, qui associe les habitants, la collectivité et des entreprises. 160 actionnaires sont ainsi engagés dans l’opération, majoritairement des citoyens. Il s’agit de valoriser la ressource en énergie solaire qui tombe du ciel sur le village. Les toits les mieux exposés sont équipés de capteurs solaires photovoltaïques. Ils sont gérés collectivement et forment ainsi une centrale électrique à l’échelle du village.
Cette opération constitue un pas dans la recherche de la bonne échelle d’intervention. L’approche collective permet en effet d’aborder intelligemment la question de l’échelle. Le toit équipé individuellement est un progrès, il ne faut pas laisser se dissiper l’énergie qui tombe du ciel. Mais on en voit vite les limites : pour le parc existant, chacun est tributaire de l’orientation de ses toits, des ombres qui pourraient réduire les apports solaires. Il y a des privilégiés et des laissés pour compte. Les particuliers ne sont pas familiers des techniques solaires, une approche professionnelle est un atout indéniable. L’électricité produite ne peut guère être consommée par le propriétaire du toit, car la correspondance entre la production et la consommation est difficile à obtenir, et reste largement aléatoire. Le stockage qui serait nécessaire est encore au stade de la recherche, et il sera inévitablement consommateur d’une part de l’énergie stockée, le rendement ne peut être de 100%. Plus on élargit le champ, plus les chances augmentent de trouver une utilisation immédiate de l’énergie produite. Là, encore, ce ne sera jamais 100%, mais tout ce qui sera consommé sur place est bon à prendre. Il ne s’agit pas encore d’autonomie, les échanges avec d’autres territoires permettant de gérer au mieux l’équilibre entre production et consommation.
A l’inverse, une approche exclusivement centralisée, sans ancrage territorial, ne permet pas de créer un lien direct entre production et consommation, de responsabiliser les acteurs et de réduire les déséquilibres entre production et consommation, au moins pour ce qui est des besoins ordinaires, domestiques, et par suite diffus dès que l’on s’éloigne des grandes métropoles. A besoins diffus, production diffuse, autant qu’il est possible.
La logique des centrales villageoise est donc double : privilégier les circuits courts en matière d’énergie, et mobiliser les énergies locales. Le caractère participatif est une excellente manière d’obtenir l’adhésion des habitants à un projet d’énergies renouvelables, tels que des centrales solaires ou des champs d’éoliennes. L’approche collective permet en outre de disposer de compétences dont les citoyens-particuliers ne pourraient pas s’entourer, compte-tenu de la taille des projets (1).
L’idée des centrales villageoises est donc née en 2010. Elle s’est développée en prenant appui sur le programme européen Enerscape, animée par l’agence RAEE, et touche aujourd’hui près d’une quinzaine de « villages » dans les territoires de parcs naturels régionaux. Elle pourrait s’étendre à d’autres formes d’énergie renouvelable, en particulier les éoliennes. Une initiative analogue doit être mentionnée à cet égard, le premier parc éolien 100% citoyen de France. 4 éoliennes de 2MW chacune, soit la production nécessaire à la vie de 8000 familles, l’équivalent du canton où elles sont implantées. Ça se passe à Beganne, en Ille-et-Vilaine, un peu à l’Ouest de Redon. Un projet qui a mis 10 ans à se réaliser, premières études de faisabilité en 2005, et premiers tours de pales en 2014. Un projet qui a suscité la création de fonds d’investissements participatifs et d’une société d’exploitation justement nommée Begawatt. Un projet dont les habitants de Béganne et du Pays de Redon et de la Vilaine sont fiers.
Ce sont des modèles participatifs qui l’on feront des petits, et qui portent la nouvelle économie. Il n’y a pas de règle intangible dans ce domaine, chaque culture, chaque contexte local devant donner sa touche particulière aux formules retenues. Des initiatives de ce type se multiplient en Europe, et ont permis la création de nombreuses installations, notamment la magnifique courbe d’éoliennes off shore au large de Copenhague, propriété pour moitié de citoyens danois. Paysage et énergie, même combat !
1 - On pourra se reporter sur ce point à l’article « Comment monter un projet ENR participatif » dans Environnement Magazine http://www.environnement-magazine.fr/article/8456-comment-monter-projet-enr-participatif/
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