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Le tourisme spatial, une affaire de milliardaires

Le tourisme spatial est-il durable ? Voilà une question que je n’ai guère entendu poser dans les médias qui ont traité de la mission Polaris Dawn de SpaceX, la semaine dernière. Il s’agissait de la première sortie commerciale dans l’espace, dont a profité un milliardaire américain. « Une nouvelle étape dans l’exploration commerciale de l’espace » selon Ouest France, pour ne reprendre qu’une citation.

L’aventure a commencé il y a presque 35 ans, en décembre 1990.

C’est Toyohiro Akiyama, journaliste japonais de la chaîne de télévision Tokyo Broadcasting System (TBS), qui a inauguré la série de vols commerciaux dans l’espace, à bord du vaisseau soviétique Soyouz et de la station spatiale Mir. Il est suivi en avril 1991 par un milliardaire américain, Dennis Tito, suivi à son tour par 6 hommes et femmes d’affaires jusqu’en 2009. Il s’agissait pour l’agence spatiale russe de trouver des financements, chaque sortie étant facturée environ une trentaine de millions de dollars. Suivent une douzaine d’années de pause, rompue par de Jeff Bezos. Le milliardaire fondateur d’Amazon au cours d’un vol suborbital de dix minutes en juillet 2021 monté par la société américaine Blue Origin. Le tourisme spatial allait repartir, avec SpaceX pour un vol de trois jours en orbite terrestre basse, en septembre 2021, avec des amateurs dont le milliardaire de la semaine dernière. Et depuis, ça n’arrête pas : tournage d’un film intitulé Le défi dans une capsule russe en octobre 2021, nouveau voyage en décembre d’un milliardaire japonais, douze jours à bord de l’ISS, et deux missions SpaceX en avril 2022 et mai 2023, toujours pour des hommes et femmes d’affaires. Les prix ont augmenté, il est question de 55 millions de dollars par tête. Un mouvement qui pourrait paraître irrépressible, à la mesure qu’exerce l’espace dans notre imaginaire. La descente dans les profondeurs des océans aurait pu être ajoutée à cette liste de vols, mais l’accident du sous-marin Titan, en juin 2023, toujours avec des milliardaires, a pu calmer les ardeurs de ce côté-là.

Que les milliardaires dépensent leur argent pour se donner des émotions, pourquoi pas, mais il est permis de s’interroger sur l’impact de ces vols spatiaux. Quelle quantité de carbone pour un instant du bonheur de l’apesanteur. Un vol par an, c’est peu de choses, me direz-vous, mais comment prôner ensuite la sobriété sans réveiller de colères ? La question des ressources est déterminante. Une robe de haute couture peut couter très cher, mais elle représente essentiellement du travail humain, du talent, voire du génie. Des ressources dont l’usage ne menace pas l’avenir de l’humanité. Idem pour un dîner dans un restaurant étoilé et bien d’autres plaisirs à base de savoir-faire et de passion. Dans le cas des vols spatiaux, les cosmonautes milliardaires prélèvent un capital collectif, le volume des émissions de carbone à ne pas dépasser pour préserver le climat. Nous sommes dans une situation comparable à la chasse au gros gibier, aux éléphants ou aux lions, un prélèvement sur le patrimoine biologique de l’humanité, dont nous savons par ailleurs qu’il est en danger.

Le tourisme de masse n’est pas exempt de défauts, et il provoque de plus en plus de réactions d’hostilité. Il n’y a pas que les milliardaires qui prélèvent indument sur le patrimoine de l’humanité, qu’il s’agisse du climat ou de la biodiversité, ou encore de l’eau douce. Ces prélèvements doivent être maitrisés, ce qui est d’autant plus difficile qu’ils sont diffus et inscrits dans des pratiques anciennes. Mais comment ne pas s’interroger sur ces nouveaux comportements, encore limités en nombre donc plus faciles à contrôler, des comportements présentés comme prometteurs et pleins d’avenir, sans la moindre remarque sur leur coût écologique ?

Edito du 18 septembre 2024

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