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Le développement durable est-il dépassé ?

Nous pourrions le croire, à l’examen des intitulés ministériels. Il a fallu 10 ans après la conférence de Rio, qui a donné sa légitimité au concept, pour que le terme de développement durable apparaisse dans l’organigramme du Gouvernement, en mai 2002. Il y resté 14 ans jusqu’à sa disparition en février 2016, au profit d’un nouveau mot, la transition, souvent complété d’un qualificatif, écologique, énergétique ou solidaire. Ajoutons le sentiment, largement partagé mais à confronter aux actes à venir, d’un déclassement de la cause de l’environnement dans l’action publique et les préoccupations des Français.

La transition a-t-elle eu la peau du développement durable ?

Les raisons de la disparition du développement durable dans le vocabulaire officiel français sont multiples.

Le concept était plutôt consensuel au départ, et il est vite devenu “politiquement correct”. Sa traduction en politiques concrètes a pris la forme de conférences thématiques sur le climat, la biodiversité, les océans, la désertification. On se souvient notamment des accords de Kyoto sur le climat, qui a fixé des objectifs de réduction des émissions de CO2. Mais nous étions loin des échéances, et l’adhésion était relativement facile. La situation a bien changé. Les progrès ont été insuffisants, et nous approchons des points de “non-retour”. Il va falloir aller plus vite et plus fort. Nous sommes au pied du mur et les efforts sont d’autant plus grands que nous avons retardé les décisions. Les résistances se multiplient, et tous ceux qui n’avaient adhéré que du bout des lèvres se réveillent pour s’opposer aux transformations pourtant incontournables. Leur discours tend à dire que le développement durable est dépassé, plutôt que de s’y opposer de front. Il y a bien sûr des négationnistes, qui nient la réalité des problèmes pourtant bien documentés. « Nous ne croyons pas ce que nous savons », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Dupuy . Il y a tous ceux qui parient sur la science et le progrès technique, qui vont résoudre tous les problèmes. A l’opposé sur l’éventail des postures, nous trouvons les défenseurs radicaux de la nature qui n’ont jamais accepté de voir la protection de l’environnement intégrée au développement. Le mot même de développement leur est insupportable. La nature du développement durable, qui trouve son origine dans le constat de la finitude du monde, ce qui doit nous conduire à imaginer de nouveaux modes de développement humain, leur semble sans doute illusoire. Ils craignent que la dilution de la cause de la planète dans la notion fourre-tout du développement ne soit qu’un prétexte à continuer comme avant. Ces craintes sont justifiées, mais isoler l’environnement lui fait sans doute subir plus de risques encore. C’est pour cette raison que le 4e principe adopté à la conférence de Rio stipule que « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolement ». Nous voyons bien, aujourd’hui, que le succès des politiques sur le climat ou la biodiversité, par exemple, dépendent de décisions en matière industrielle, agricole ou d’aménagement du territoire.

Le risque le plus dangereux se situe ailleurs. Une affaire d’horizons, selon le terme employé par Mark Carney, alors Gouverneur de la Banque d’Angleterre et Président du Conseil de stabilité financière, dans un discours célèbre en 2015 devant la Lloyd’s de Londres. Les décisions politiques et financières sont prises à l’horizon de quelques années, 3 à 5 ans, alors que certains enjeux se situent sur une autre échelle de temps. C’est le cas du climat et de la biodiversité, mais aussi des questions démographiques, pour prendre un autre exemple hors du champ traditionnel de l’environnement. Les préoccupations immédiates prennent le pas sur les questions au long cours. Ajoutons que les intérêts en place cherchent en général à prolonger la situation existante, et sont réticents à des changements qui pourraient remettre en cause leur suprématie. Tout le monde est donc d’accord pour dire que c’est important, mais aussi pour reporter à plus tard les mesures à prendre. Le tour de l’écologie n’arrive que quand c’est trop tard.
Raison de plus pour remettre en avant le concept de développement durable, toujours en honneur à l’échelle internationale d’ailleurs. La transition est en définitive une affaire de société, voire de civilisation, avec toute la richesse qui en découle, mais aussi toute la complexité. Nos modèles traditionnels, hérités de notre histoire, ne fonctionnent plus, il nous faut en trouver de nouveaux, seule manière de mener à bien les changements à opérer. C’est la recherche de ces nouveaux modèles qui s’appellent développement durable, qui donnera l’orientation des transitions à opérer, et qui en en donnera envie.

Edito du 2 octobre 2024

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