Restauration de la nature : Encore un effort
Malgré la proximité des élections européennes et la pression des partis populistes, le Pacte vert européen progresse. Ses ambitions ont été abaissées, et tout récemment le maintien de l’autorisation pour 10 ans du glyphosate montre qu’il y a encore des progrès à faire, mais engrangeons les avancées, en espérant un effet de cliquet, pour ne pas revenir en arrière. Il s’agit aujourd’hui de la restauration des milieux naturels, des « habitats » comme disent les naturalistes. 80% d’entre eux sont dégradés selon l’agence européenne pour l’environnement. Il y a bien eu, pourtant, des directives pour protéger les oiseaux et les habitats naturels, mais le constat est là : 10% des espèces d'abeilles et de papillons sont en risque d'extinction, 70% des sols sont en mauvaise santé. Il ne s’agit donc plus de préserver, mais de restaurer. Des objectifs chiffrés, restauration de 60 % des habitats en mauvais état d'ici à 2040 et au moins 90 % de ces habitats d'ici à 2050. Des politiques à mettre en place à l’échelle de chaque état membre, avec des volets spécifiques à différents milieux, agricoles, forestiers, écosystèmes urbains, cours d’eau.
Une étape décisive a été franchie en juin et juillet dernier, avec une adoption par le Parlement du projet élaboré par la commission européenne, malgré la résistance de partis conservateurs, et au prix de différentes concessions. Le 9 novembre dernier, le Conseil et le Parlement Européens se sont mis d’accord sur un document provisoire, qui doit encore être adopté formellement par des institutions européennes. Un long parcours, encore un effort, nous arrivons au bout.
C’est que la dégradation coûte cher. Les services rendus par la nature, gratuits, sont multiples. Par ces temps d’intempéries, la régulation du régime des eaux n’est pas le moindre, surtout en prévision des effets du réchauffement climatique que nous ne pourrons éviter. Les forêts couvrent 40% du territoire de l’Union Européenne, et joue un rôle important de puits de carbone. Les nouvelles règles de restauration viseraient à renforcer la biodiversité dans les forêts, ce qui les rendrait plus robustes face aux défis du réchauffement, et renforcerait leur capacité d’intégration de carbone. Un objectif de 3 milliards d’arbres supplémentaires d’ici 2030 est également fixé, mais est-il compatible avec l’amélioration de la biodiversité des forêts ?
Les sols agricoles, dont une bonne part sont dégradés, devront aussi améliorer leur capacité de stockage de carbone. 30% des tourbières drainées utilisées en agriculture devront être restaurées d'ici à 2030, 40 % d'ici à 2040 et 50 % d'ici à 2050. La chute de la biodiversité « ordinaire » est également un facteur de baisse des rendements, et la souveraineté alimentaire en est affectée. Le projet de règlement européen prévoit d’inverser le déclin des populations de pollinisateurs dès les prochaines années, avec des instruments de suivi de l’efficacité des mesures prises. Il faudra donc faire vite. Une première échéance est fixée à 2030, avec la restauration de 20% des zones terrestres et des zones marines de l'UE. Le texte comprend une exigence de non-détérioration. Les zones ayant fait l'objet d'une restauration des zones abritant les habitats terrestres et marins particuliers seront ainsi protégées. Une formule cliquet pour maintenir la qualité ainsi restaurée.
C’est un grand chantier qui s’ouvre ainsi, qui touchera l’ensemble des activités et des milieux physiques, villes et campagnes, forêts et zones maritimes. S’il est adopté, le règlement européen offrira un cadre commun à tous des Etats membres pour élaborer leur politique de restauration de la nature. Une nouvelle dynamique est à mettre en place, avec l’ensemble des acteurs concernés, professionnels, collectivités et institutions publiques, associations, communauté scientifique. La frilosité du volet national français de la politique agricole commune concernant l’environnement, dénoncée par de nombreux experts et professionnels, laisse craindre un manque d’ambition comparable pour la restauration de la nature. Espérons au contraire que ce sera l’occasion d’un rattrapage.
Le capital nature de la France est un atout exceptionnel que sa position au bout du continent européen lui apporte. Outre les influences continentales, elle bénéficie d’apports de la mer du Nord, du bassin méditerranéen, de l’océan avec le Gulf Stream. Cette convergence a produit une grande richesse biologique, dont nous n’avons pas toujours eu conscience, et qui se trouve aujourd’hui vulnérable. Le Pacte vert européen nous offre l’opportunité de lui apporter toute l’attention qu’elle mérite. Un investissement durable s’il en est.
Edito du 22 novembre 2023
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