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Les malheurs d’écophyto

Ecophyto 2030 sera rendu public en janvier 2024. Le 4 e plan visant à réduire l’usage des pesticides en agriculture. Le bilan des précédents fait l’objet d’un rapport parlementaire présenté pour annoncer l’hiver, le 21 décembre dernier. Des résultats effectivement aussi sombres que le ciel d’hiver, pressentis dans le cahier des charges de la commission d’enquête, « identifier le plus clairement possible les facteurs qui conduisent à la persistance d’une forme d’incurie déjà identifiée dans le diagnostic posé en 2014 ».

C’est une vieille affaire, les premières réglementations en la matière ont 80 ans, et le premier plan écophyto est né du Grenelle de l’Environnement, en 2008 (engagement 129). Il ambitionne une baisse de 50 % de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2018. Résultat, une hausse de 25%. Dans l’introduction de leur dernier rapport, les députés notent que « Sur le plan psychologique, tout fonctionne comme si le rejet sociétal des "pesticides" n’avait d’égale que l’énergie déployée en retour pour les justifier... ». Ils regrettent « la persistance d’une forme d’incurie de l’action publique » et que « l’horizon des – 50% ait d’ores et déjà été reculé de douze ans », alors « qu’il y a urgence à agir ».

Les travaux de l’INSERM, notamment un rapport de 2013, avait bien identifié les risques pour la santé humaine : « Grâce aux nouveaux éclairages sur les effets « cocktail » et la notion d’« exposome », les produits phytosanitaires sont notamment identifiés comme l’une des causes possibles de plusieurs maladies neurodégénératives ». Ajoutons la dégradation de la qualité des eaux superficielles et des nappes phréatiques, et la disparition de 60 % des oiseaux des milieux agricoles depuis quarante ans. Santé humaine, ressources en eau et biodiversité, trois bonnes raisons pour avancer avec détermination, d’autant que ces impératifs sont compatibles avec la compétitivité de l’agriculture française, et le souci de nourrir 10 milliards d’humains en 2050, comme l’avaient observé les parlementaires dans le point d’étape de 2014, publié sous le titre « Les champs du possible ».

Un constat qui n’empêche pas d’envisager de permettre au ministre de l’Agriculture de passer outre les recommandations de l’INSERM, et de multiplier des ouvrages de rétention de l’eau, par ailleurs dispensée de taxes, pour les usages agricoles. Les avancées des précédents plans écophyto sont réelles, comme les réseaux de fermes pilotes, mais bien insuffisants face à l’ampleur du problème. Le terme d’incurie, utilisé par les parlementaires pour qualifier les politiques menées dans ce domaine, est significatif. Il rejoint un autre mot, impuissance de l’action publique.

C’est un paysage d’hiver qui résulte de ce constat, qui s’ajoute à l’exclusion de fait de l’agriculture des efforts du plan eau, et aux atermoiements européens. Comment un secteur responsable de 20% de nos émissions de gaz à effet de serre, de la pollution des eaux que nous devons ensuite épurer pour les autres usages, domestiques ou industriels, en charge de la qualité sanitaire de notre alimentation, peut-il rester en marge des règlementations ?

La grande excuse est « on ne peut pas faire autrement ». Trouvez-nous des produits de substitution, et nous les adopterons. En attendant, nous continuons comme avant. Les parlementaires apportent une réponse claire : « il faut sortir de l’ambiguïté du slogan « pas d’interdiction sans solution ». Les bénéfices que les uns tirent du maintien des produits actuels ne sauraient justifier les risques que cela fait peser sur la collectivité dans son ensemble ».

C’est un nouvel équilibre qui est à trouver, une nouvelle manière d’être agriculteur. La Cour des comptes préconisait dans un référé de novembre 2019 « Une nécessaire évolution des modes de production agricole ». Aujourd’hui, les parlementaires le redisent : « les objectifs de diminution de 50 % de pesticide sont conciliables avec les autres attendus – sécurité alimentaire et climatique – mais à la condition sine qua non d’une reconception profonde des systèmes agricoles ».

Le produit miracle n’existe pas. Un produit qui neutraliserait les prédateurs de toutes sortes sans appauvrir le milieu naturel, assurerait un rendement compétitif sans épuiser les sols ni les exposer à l’érosion, qui préserverait le régime et la qualité des eaux, qui garantirait la qualité sanitaire des aliments, qui serait d’usage facile, etc. C’est dans les systèmes d’exploitation que les solutions se trouvent, à rechercher et mettre au point dans une collaboration des professionnels, de la recherche et de l’enseignement. Encore faut-il que les pouvoirs publics soutiennent cette recherche collective. L’avenir de l’agriculture est dans le changement.

Edito du 27 décembre 2023

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Commentaires

0
poss
9 mois ya
Bonjour, Dominique,

À propos des pesticides, le rôle des conseillers agricoles, en général, et des coopératives, en particulier, est négligé: Alors que pour certains de ces salariés, l'usage de ces intrants agricoles est le cœur de l'expertise, et que pour leurs employeurs, ce peut être un élément important du chiffre d'affaires: je pense aux coopératives d'approvisionnement de l'agriculture.
Ce sont des agents d'influence, qui ne sont probablement pas prêts à une reconversion, et ce d'autant moins qu'ils ne sont guère dans le viseur des critiques.
je ne connais pas la position de l'enseignement agricole, et des orientations qu'ils peut donner dans ses circulaires, dans les cours, dans les travaux pratiques effectués dans les fermes d'applications des lycées: ce serait une action directe de la part du Ministre de l'agriculture, qui en est le responsable.
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