
L’éolien réhabilité ?
Est-ce un début de retour à la raison ? La présentation du projet de loi « industrie verte » semble réhabiliter les énergies renouvelables (ENR). Il y a bien eu une loi pour accélérer leur développement, mais nombreux sont les experts qui craignent que les nouvelles conditions d’implantation ne soient plutôt un frein. Le retard de la France en la matière nous coute cher. Nous sommes le seul pays de l’Union Européenne qui n’ait pas atteint les objectifs que nous nous sommes nous-mêmes donnés, 19,3% au lieu de 23%. Outre les pénalités que ce retard entraîne, 500 millions d’euros, l’achat des kilowattheures pour faire face au déficit de notre production est évalué à plusieurs milliards, entre 6 et 9 milliards d’euros.
C’est que la demande d’électricité ne peut qu’augmenter au cours des prochaines années, pour se substituer aux énergies fossiles qu’il faut éliminer d’ici 2050, ou presque. Le parc nucléaire existant a vieilli, et malgré les travaux de remise en forme, le « grand carénage », sa disponible est en baisse, comme nous l’avons vu l’été dernier. Le nouveau nucléaire, quant à lui, ne pourra alimenter les réseaux qu’à partir de 2035, et à un prix deux fois plus élevé que l’ancien. Comment répondre entre temps à la demande, et comment maintenir le prix de l’énergie à un prix compétitif ? Les renouvelables, dont le solaire et l’éolien, ont vu leurs coûts baisser fortement, pour atteindre aujourd’hui les prix du marché, et la baisse continue.
Le recours aux ENR est incontournable, et de chacune d’elles, notamment les éoliennes terrestres, dont paradoxalement les objectifs de production ont été réduits dans les discours récents du Président. Une source d’énergie économique, qui fait l’objet d’une campagne de désinformation, proche d’un déferlement de haine, pour reprendre le titre du livre de Cédric Philibert, « pourquoi tant de haine ? ». Avec les prix actuels de l’énergie, la production des ENR permet d’ores et déjà de rembourser à l’Etat d'ici la fin de l'année toutes les subventions qui leur ont été affectée depuis l’origine. Les ENR rapportent aujourd’hui des milliards d’euros à l’Etat.
Leur développement fait en plus appel à des investisseurs privés, en non à des financements publics, comme le nucléaire. En ces temps de retour, bien difficile, à l’équilibre budgétaire, les ENR sont un atout considérable. Ce n’est pas le seul, surtout dans une perspective d’exportation, l’un des objectifs du projet de loi « industrie verte ». Leur déploiement dans le monde devient une opportunité industrielle. « Entre 2022 et 2027, les énergies renouvelables doivent croitre de 2.400 GW dans notre scénario central, c'est l'équivalent de l'ensemble des capacités de production d'électricité installée en Chine actuellement. Cela représente aussi une accélération de 85 % par rapport aux cinq années précédentes ». Nous sommes en présence d’enjeux industriels lourds, sur lesquels il convient de se positionner. L’objectif du projet de loi « industrie verte » apporte une réponse : « faire de la France le leader de l'industrie verte en Europe. Une nation capable de fabriquer des pompes à chaleur, des batteries, des éoliennes, des électrolyseurs, des voitures électriques, mais aussi de décarboner ses industries existantes pour fournir le verre et l’aluminium dont elle aura massivement besoin, grâce à son parc nucléaire unique » peut-on lire dans la présentation du projet de loi.
Les éoliennes seraient-elles réhabilitées ? Les voici dans le lot des industries vertes à booster, en bonne place. Le solaire photovoltaïque (PV) y trouve aussi sa place, grâce notamment aux progrès de la recherche en la matière. De nouvelles générations de cellules PV vont naître, plus performantes. La recherche européenne vise 30% de rendement, contre 25% environ aujourd’hui. Une occasion de renouveler l’appareil de production de ces cellules, et de ne pas en laisser le quasi-monopole à la Chine, et d’en installer une part en Europe. Il y a encore des résistances dans notre pays, qu’il va falloir bousculer. Que les financiers soient sensibles au coût de la tonne de carbone évitée est bienvenu, mais pas au point d’oublier que le coût des premiers kWh renouvelables produits comporte une part essentielle de soutien à la recherche. Les évaluations doivent se placer dans une perspective dynamique, intégrant le prix de l’innovation et du développement. Pour le solaire posé au sol, la crainte de consommer de l’espace agricole fait oublier qu’une surface couverte de capteurs solaires produit cent fois plus que les cultures énergétiques utilisées aujourd’hui.
Le déploiement de l’industrie verte suppose une évolution des mentalités, et surtout de faire les bons calculs économiques. L’environnement nous coûte cher, entend-on dire souvent. Une faute grossière de raisonnement. C’est le défaut d’environnement qui coûte cher, des centaines de milliards d’euros chaque année en France, payés par tout le monde de manière diffuse ou en cotisations sociales. L’industrie verte coute peut-être un peu plus cher à la sortie de l’usine, mais la baisse des coûts indirects, externes aux entreprises, que l’industrie grise provoque compense largement la différence. Il reste à créer les outils financiers pour que les prix du marché reflètent les coûts réels, y comprisnles coûts « externes ».
Edito du 27 mai 2023
mode de vie, ressources, avenir, nature
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