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L’environnement pour faire des économies

Le double dividende est un des axes fondateurs du développement durable. Un gain pour soi-même, et un gain pour la collectivité, la planète, la nature. Gagner sur les deux tableaux n’est pas contradictoire, bien au contraire. Sans doute certains peuvent croire qu’ils vont gagner à négliger l’environnement, mais ce serait une victoire à la Pyrrhus, vite oubliée du fait des coûts qu’elle aurait provoqués. Et puis le gain personnel est un bon moteur, et il faut tout faire pour faire converger les intérêts personnels et collectifs.
Beaucoup ne croient pas à cette bonne aubaine. Notre morale nous a habitué à opposer ces deux types d’intérêt, la vertu ne peut être récompensée dans ce bas monde. Une sorte de malédiction, fille du péché originel, san doute…
Le paradoxe est qu’à première vue, l’environnement coute cher. C’est un effort particulier qui est demandé au consommateur. Le bio coûte plus cher que le conventionnel, les voitures électriques sont hors de prix, les logements bien isolés font payer leur qualité, les énergies renouvelables sont loin des prix du marché, et en plus, les taxes environnementales, comme celle sur le carbone, renchérissent les produits manufacturés. Chacun en tire une conclusion, à savoir que l’environnement est un luxe, et qu’il vaut mieux attendre des jours meilleurs pour s’en occuper.
Raisonnement à courte vue. Une vision de myope muni d’œillères. Reprenons l’exemple du logement. La construction du plus performant coute un peu plus cher que le tout-venant - et encore, la performance peut être obtenu par la sobriété – mais il coute beaucoup moins cher à chauffer. Les passoires thermiques coutent cher, par leurs consommations, mais aussi par de nombreux coûts indirects, comme la fragilité de la santé de leurs occupants, la fatigue, et leurs conséquences sociales. Un coût supporté par les occupants et par la collectivité, sécurité sociale notamment. Disons-le clairement, un logement de qualité est économique pour tout le monde, même s’il est plus cher à construire.
Il reste que cette présentation suppose un bon partage des coûts et des bénéfices entre tous les acteurs, promoteurs, banquiers et assureurs, constructeurs, conception et réalisation, bailleurs et locataires, propriétaires occupants, pouvoirs publics. Les instruments financiers peuvent fausser le jeu, il faut s’en préoccuper, mais la prise en compte de l’environnement ne peut qu’améliorer le bilan et orienter vers les bons choix.
La prise en charge de la transition énergétique est présentée comme très couteuse, notamment ans le rapport de Jean Pisani-Ferry rendu public le 22 mai dernier. Il ne met pas en regard des dépenses le coût de ne rien faire. Les pollutions et les dégradations de l’environnement coûtent chaque année des milliards d’euros, 100 rien que pour la pollution de l’air extérieur, par exemple, mais cette charge est diffuse, et n’apparait guère dans les comptes. Elle n’en est pas moins réelle, et sa réduction soulagera plusieurs gros postes de dépenses. Mais surtout, le calcul n’intègre pas les changements de modes de vie nécessaires pour la transition. Il est vrai que celle-ci coutera très cher si nous voulons absolument que rien de change. A l’inverse, elle sera très vite économique si nous acceptons de changer.
Le cas de l’alimentation, poids lourd du budget des ménages, est très corrélé avec le pouvoir d’achat perçu. Les consommateurs constituent leurs paniers, ou leurs caddys, en fonction des prix, auxquels ils sont très sensibles. Le « signal prix » fonctionne à plein, utilisons-le pour composer des menus bons pour les humains et pour la planète. Les premières économies viennent en se conformant aux saisons, et en favorisant les circuits courts. Ensuite, il se trouve que les produits les plus chers sont aussi ceux qui sont les plus pénalisants pour l’environnement, avec en première ligne la viande rouge. A l’inverse, les produits végétaux, notamment les légumes secs, dont la production est plus favorable à l’environnement, sont plus économiques. C’est en changeant la composition de vos menus que vous pourrez combiner qualité et économies. Moins de produits d’origine animale, et plus de végétaux, et vous maîtriserez votre budget alimentation en maintenant la qualité et en faisant du bien à la planète.
C’est le même mécanisme qui prévaut pour la mobilité. C’est en changeant de mode que vous gagnerez de l’argent. Un premier degré est le bon entretien de la voiture, et en adoptant un mode de conduite apaisé. Votre consommation baissera immédiatement de 15 à 20%. Pour aller plus loin, il faut s’interroger sur l’usage que vous faites de la voiture. Pouvez-vous la partager pour une partie de vos déplacements ? Le covoiturage se développe en France, notamment pour les trajets domicile-travail. La location sous une forme ou sous une autre permet de disposer d’une voiture juste quand vous en avez besoin, au lieu de l’avoir immobile toute la journée devant chez vous. Eviter la charge d’une voiture en propriété permet de faire une grosse économie. Comme pour l’alimentation, si vous acceptez de changer vos habitudes, vous pourrez engranger votre part de double dividende, avec le volet pouvoir d’achat.
Côté collectivité, la dégradation de l’environnement coute cher. Des centaines de milliards d’euros chaque année, payés par des institutions comme la sécurité sociale, ou les services publics comme l’épuration de l’eau qui coule à votre robinet. Une dépense diffuse, mais en définitive payée par tous immédiatement et par nos descendants, à commencer par nos enfants.
Les mots sont parfois trompeurs. Vous entendrez souvent dire que l’environnement coute cher, mais c’est tout le contraire : c’est la dégradation de l’environnement qui coûte cher. Protégez le, et vous ferez des économies.

Edito 24 mai 2023

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Commentaires

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Philou06
1 année ya
Merci pour vos editos, toujours très intéressants. Celui-ci m'a particulièrement plu, sans doute parce que en filigrane apparaît la notion de la conscience individuelle de faire partie d'un équilibre général, sur lequel chacun peut peser par ses actions. Ça n'a pas toujours été le cas, et il semblerait que les nouvelles générations grandissent davantage dans cette notion que les plus âgées. Souhaitons-le, parce que voilà LE levier qui permettra de nous sortir de notre impasse.
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Y Poss
1 année ya
C'est une adaptation du système qui serait souhaitable. Trop souvent, l'analyse n'est que financière, dans une approche microéconomique, ou budgétaire. alors qu'il faudrait une approche plus globale, qui imagine comment une nouvelle organisation permettrait...un bonheur durable. Mais c'est compliqué, car il s'agirait d'anticiper comment un nouveau cadre législatif, fiscal ou socio-économique, inciterait à corriger les comportements individuels. Une correction de la fiscalité, par exemple, pourrait bouleverser les "signaux prix", par exemple en corrigeant les taux de TVA, ou en imposant l'électricité utilisé pour le transport comme les autres carburants. quels exemples pourraient convaincre nos responsables de s'engager dans une telle approche plus globalisée?
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