
Le roi Charles au secours de notre empreinte écologique
Pendant que le roi Charles préparait son couronnement, je suis allé à Castelnaudary, grand port sur le canal du Midi, célèbre pour son cassoulet, issu d’une recette ancestrale qui fait toujours recette. Une recette, justement, à partir de haricots du Lauragais, production locale d’origine aujourd’hui protégée. Une légumineuse, une plante sobre qui nous fait le plaisir de capter l’azote de l’air et d’enrichir ainsi la terre, en plus de nous nourrir. Elle nous apporte lipides et protéines, des fibres, du fer et du calcium. Et pas cher, ce qui n’est pas rien côté pouvoir d’achat. Bref, tout pour plaire, pour qui sait la cuisiner.
Je me suis demandé pourquoi ce type de plat, populaire, gouteux, économique, et généreux avec le sol qui le porte, n’a pas plus de succès. Je ne sais pas si la quiche végétarienne du roi Charles contenait des lingots ou autres cocos, mais ce choix illustre l’importance de l’alimentation pour notre environnement. Environnement personnel, à la recherche à la fois de plaisir et d’un bon équilibre nutritionnel, et environnement global : Notre alimentation représente un tiers de notre empreinte écologique, soit de la pression que chacun exerce sur la planète.
L’initiative royale pourrait-elle redonner l’envie de manger les légumineuses ? Elles n’ont pas vraiment la cote. Nous en mangeons 4 fois moins qu’il y a 20 ans. Sans doute notre mode de vie, toujours pressé alors qu’il faut s’y prendre à l’avance pour un bon plat de haricot, exigence moindre, cependant, pour les lentilles, notamment les lentilles corail qui cuisent le plus vite. Les industriels en font des conserves et autres plats cuisinés pour nous simplifier la vie, mais rien à voir avec un repas mijoté à la maison.
Le sujet avait déjà intéressé le Gouvernement danois. C’était en 2009, et la question a été posée à des grands chefs de cuisine, de chercher à réduire la consommation d’énergie dans leurs pratiques, et de confectionner des recettes économes utilisables par tout le monde. Ils ont découvert les vertus du cru ou presque cru, et se réjouissaient d’avoir découvert de nouvelles saveurs. Choix des produits, manière de cuisiner, voilà deux pistes pour réduire notre empreinte écologique tout en prenant du plaisir.
Faut-il encore que ces nouvelles pratiques soient adoptées par les cuisiniers, chez soi et dans les collectivités. Il y a mille manières d’orienter leurs choix. Tout d’abord, l’incitation bien connue à manger local et de saison. Il y a aussi l’interdiction des mauvais produits. Toujours difficile, comme on l’a vu avec les nitrites dans la charcuterie, dont l’interdiction a été rejetée à l’Assemblée nationale le 12 avril dernier. Il y a les indicateurs, type nutriscore, qui font d’ailleurs l’objet de rejet de la part de nombreux industriels, ou les labels, notamment pour l’agriculture biologique. Nous sommes là sur les produits, et non sur la manière de les préparer. Les industriels peuvent les proposer dans des formules plus faciles à cuisiner. Une première transformation qui favorise la confection de plats courants hier, mais oubliés aujourd’hui. Et puis, il y a l’image des produits, la vertu étant aisément associée à l’austérité. Les recettes dans les livres de cuisine, les chefs très présents dans des émissions de télévision, les menus de grands restaurants, et des moins grands, le choix affiché de vedettes, autant de manières de revaloriser d’une cuisine bonne à la fois pour les humains et pour la planète. Une illustration du « double dividende », qui est une des marques du développement durable.
L’alimentation est un enjeu majeur du développement durable, reconnu par l’ONU parmi les 17 objectifs du développement durable, sous le titre « faim zéro ». En premier lieu la lutte contre les famines et les carences qui résultent de déséquilibres nutritionnels. Dans les pays du Sud et ceux du Nord, où l’obésité prospère avec les coûts sociaux qui en découlent. L’alimentation est une des entrées les plus naturelles dans l’univers du développement durable. Chacun a son idée sur la question, avec ses goûts, ses habitudes culinaires, ses pratiques courantes. Une implication culturelle très profonde, avec souvent une marque de statut social. Un ensemble complexe de motivations, à intégrer dans une politique active pour donner l’envie de plats et les recettes durables, qui offrent de la fierté aux personnes et aux familles qui les adoptent.
Edito du 10 mai 2023
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