
Le monde change, profitons-en !
Le président cherche les causes profondes de la crise qui vient de secouer notre pays au nom de Nahel. Une démarche nécessaire pour apporter les bonnes réponses à la suite de cette épreuve, qui vient s’ajouter à quelques autres, d’ordre social, sociétal ou économique. Les crises à répétition ont chacune leur cause, mais leur accumulation laisse penser qu’il existe un fond de décor qui en favorise l’émergence. Chacune apporterait ainsi un éclairage particulier à un état général de crise, la moindre étincelle pouvant mettre le feu aux poudres. Le décalage entre l’offre politique et la réalité vécue est souvent évoqué. Il pourrait bien être le terreau sur lequel prospère cet état de crise, attisé bien sûr par des mouvements politiques ou sociaux qui espèrent en profiter.
C’est une banalité de dire que le monde change, et ce n’est qu’un début. Un cadre nouveau se constitue sous nos yeux. Citons notamment la puissance extraordinaire des interventions humaines, qui font aujourd’hui concurrence à la géologie, puisqu’il est question d’anthropocène ; les nouveaux équilibres géopolitiques, qui transforment les relations entre les nations et provoque des migrations brutales ; l’explosion des technologies de l’information, des satellites aux réseaux sociaux, en passant par l’intelligence artificielle ; et évidemment la « finitude du monde », dont beaucoup refusent de prendre conscience, malgré la pression de plus en plus visible du dérèglement climatique.
Le monde change, mais nos esprits ont du mal à suivre, encore plus à anticiper. Nous raisonnons encore comme avant, avec le système de pensée et les références dont nous avons hérités. Les conséquences de cette résistance se font sentir durement. En premier lieu une forme de désarroi, d’incompréhension. La situation est vécue différemment selon des types de population, ce qui provoque des frottements parfois violents. Dans ces moments d’incertitude, chacun tente de s’accrocher à des « valeurs sures ». La religion, l’identité, deviennent des boussoles pour beaucoup. Elles sont obsolètes, elles aussi, mais il est facile de leur donner une allure d’éternité. Tous les pêcheurs en eau trouble trouvent dans le désarroi un milieu favorable à leurs pratiques.
Sentiment de déclassement pour les uns, d’exclusion pour d’autres, nombreux sont ceux qui ne se reconnaissent plus dans le milieu où ils ont toujours vécu. Une perte de repères qui affecte aussi l’autorité, phénomène accentué par les nouvelles techniques de l’information. La « vérité » devient relative, les « sachants », professeurs, docteurs, dirigeants, sont remis en question. De nombreux acteurs économiques, y compris les institutions financières, sont restés dans l’ancien monde, et ont du mal à admettre que les règles du jeu ont changé. L’inertie dans les modes de pensée est forte, comme le disait l’économiste John Maynard Keynes : « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes ». Il en résulte des impasses et surtout une incapacité à anticiper. Les forces dominantes ont établi leur puissance dans l’ancien monde. Elles cherchent à le prolonger, et s’appuient pour cela sur les besoins de la transition. Nous aurons encore besoin de pétrole et de charbon pendant des années, alors continuons à chercher de nouveaux gisements, à investir dans de nouveaux équipements, qu’il faudra bien amortir, bien sûr. Le coût de la transition, qui sera d’autant plus élevé qu’elle sera tardive, est mis en avant, et celui de l’inaction, du « Business as usual », beaucoup plus élevé, est passé sous silence.
Cette situation nous conduit à des désastres économiques et écologiques, à une perte d’influence de la France dans le monde, et aussi à des troubles sociaux consécutifs à l’incompréhension de la formidable transformation du monde à laquelle nous assistons. Nous entrons à reculons dans le monde de demain. Aucune chance, dans ces conditions de reprendre notre destin en main, d’offrir des perspectives pour réduire le décalage entre le monde d’aujourd’hui et les perceptions issues du monde d’hier. Le nouveau monde qui se construit n’est pas le nouveau monde de nos rêves. Il n’est pas pour autant plus mauvais, il peut même être meilleur si nous participons à sa construction.
Le discours « il faut protéger les Français » maintes fois repris par les partis dits de gouvernement qui se sont succédés aux commandes, a renforcé ce besoin de conserver nos modèles culturels, au lieu d’inciter à les faire évoluer et de stimuler l’envie d’être les premiers à en proposer au monde, comme la France l’a fait en 1789. C’est un défi à relever qu’il faut présenter, en prenant soin que chacun puisse se sentir concerné personnellement, que chacun puisse en tirer avantage. Avantage en termes de statut social, de mode de vie, de confiance en soi. Apprenons à tirer parti des changements qui transforment le monde, au lieu de s’en plaindre et de laisser passer nos chances.
Edito 12 juillet 23
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Commentaires
quel modèle culturel proposer? quel rêve pour le futur présenter à nos concitoyens?
Si la France doit être à l'avant garde, ce en quoi je suis tout à fait d'accord, qu'est-ce à dire? au moins indiquer le chemin de pensée qu'il s'agit d'emprunter, de mettre une démarche collective, et partagée, en mouvement. donner envie d'une édification collective de ce développement durable espéré. c'est un peu entreprendre la construction de la tour de Babel...
Amitié,
Yves