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L’avenir à reculons

Schématiquement, il y a deux manières de réagir face aux changements qui nous bousculent en permanence. Une question d’état d’esprit, ou de tempérament, ou encore de circonstances. Les uns vont tenter d’anticiper et de prendre de l’avance, et profiteront du changement pour affirmer, ou améliorer, leur place dans la société. Les autres voudront résister au changement, et attendre qu’un nouveau changement ne vienne chasser le précédent. Quelle est la bonne attitude ? La réponse dépend évidemment du type de changement, et en particulier des causes du changement, selon que leur caractère est inéluctable ou non. Il ne sert à rien en effet de nager contre un courant bien plus fort que vous, de lutter contre un « rouleau compresseur » qui avance sans état d’âme.
Face à l’inéluctable, il faut composer, s’adapter, et le plus tôt nous nous y préparons, le mieux ce sera. Toute résistance par principe, ou par inertie ou lassitude, ou encore par refus d’accepter le nouvel état des choses, ne conduirait qu’à dépenser de l’énergie et du crédit en pure perte.
Prenez le cas de notre beau pays, la France, fière de son histoire, de sa culture, de sa langue, et de sa position dans le monde, un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, et une défense fondée sur la possession de l’arme nucléaire. La montée en puissance de nouveaux pays, la Chine, bien sûr, mais aussi des BRICS en général, de l’Asie du Sud-est, et de continents entiers, comme l’Amérique latine et, bientôt, de l’Afrique, est inéluctable. Il est possible de la retarder, sans doute, mais à un terme plus ou moins proche, ces pays feront jeu égal avec nous, et c’est légitime. Pourquoi vivraient-ils moins bien que nous, de quel droit ? Nous représentons 1% de la population mondiale, et la révolution industrielle nous a permis de prendre, avec quelques autres, une position dominante qui ne peut durer éternellement. La nostalgie de l’époque où nous dominions le monde ne peut nous servir de moteur pour aborder l’avenir. Ce serait le déclin assuré. Il faut nous réinventer, et trouver en nous-mêmes les ressources qui nous permettront de conserver une place à part parmi les nations. Une place qui ne sera plus la conséquence d’une position de force, mais du type de civilisation que nous représentons.
Autre phénomène inéluctable : le vieillissement de notre population. C’est le simple résultat, mécanique, de la stabilisation de la population mondiale, que nous sommes nombreux à souhaiter pour préserver notre planète, et qui se fera au cours de ce siècle. Nous pouvons retarder le vieillissement en faisant des enfants, mais comment justifier une politique nataliste tout en prônant la stabilisation de la population ? Ce serait de toute façon une manière de reporter l’effort sur les générations suivantes, ce n’est pas leur faire un cadeau. Il faut donc s’adapter à une plus forte proportion de vieux. Organiser la société pour qu’elle puisse fonctionner, produire, se soigner, se protéger, etc. avec une nouvelle structure démographique. Voilà un débat « refondateur », puisque la refondation est à l’ordre du jour. Le travail en sera une composante, mais avec bien d’autres sujets, certains pratiques, comme le logement ou la santé, d’autres plus sociologiques, comme la capacité d’innover et de se projeter dans le futur.
La démographie se manifeste aussi dans les mouvements de population. Les migrations seront de plus en plus pressantes, filles de la pauvreté, de l’instabilité politique et de conflits de toutes natures, et demain (c’est déjà commencé) du réchauffement climatique, et il sera vain de s’y opposer par des murs qui seront inévitablement contournés tant que la situation ne trouvera pas un équilibre. Faire avec les migrations est inéluctable, et il vaut mieux s’y préparer, notamment pour rajeunir la population et rééquilibrer notre pyramide des âges, que de refuser l’inéluctable.
La question de l’eau est de plus en plus préoccupante. Aux niveaux mondial et national. Nous le savons depuis longtemps, mais l’immobilisme s’est encore imposé, nous cherchons toujours à mobiliser plus d’eau douce (barrages, puits plus profonds, dessalement d’eau de mer, etc.) plutôt que chercher à vivre bien avec moins d’eau, seule solution à terme.
Et le climat, bien sûr, un réchauffement inéluctable compte tenu de l’inertie du phénomène, auquel il faut s’adapter tout en essayant de le limiter. Combien d’entreprises, et d’Etats, continuent à investir ou subventionner les énergies fossiles - Plus de 1000 milliards de dollars de subventions en 2022- au lieu de porter tous leurs efforts sur la décarbonisation de l’économie ? Nous allons vers l’avenir à reculons. Tout se passe comme si nous préférons renforcer notre arrière garde plutôt que soutenir les éclaireurs et l’avant-garde.

Edito 17 mai 2023

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