
Il n’est pas (encore) trop tard
C’est l’agence internationale de l’énergie qui l’affirme, dans son dernier rapport Net Zero by 2050. Limiter le réchauffement climatique à 1,5° en 2100 est possible. Possible, mais au prix d’un effort considérable. Nous progressons, mais nous sommes loin du compte, et certains indicateurs sont inquiétants. En 2022, les subventions aux énergies fossiles ont atteint 1000 milliards de dollars, soit le double de l’année précédente. La guerre en Ukraine en serait la cause, mais c’est autant d’argent qui n’est pas consacré aux deux grands axes d’amélioration, l’efficacité énergétique et le développement des renouvelables. 1 700 milliards ont été investis dans le solaire en 2022, un record, c’est plus que dans le pétrole, mais il faudrait accélérer pour tenir les objectifs de l’accord de Paris. Globalement, à l’échelle de la planète, multiplier par 3 la capacité des énergies renouvelables d’ici 2030, ne plus ouvrir de centrales à charbon, et réduire de 70% les émissions de méthane. Tout ça coûte de l’argent, me direz-vous, 75 milliards $ cumulés d’ici 2030 pour la captation du méthane par exemple. 2% seulement des revenus nets des industries pétrolières et gazières en une seule année… L’effort n’est pas surhumain. Il faut en effet des milliers de milliards d’euros pour la transition, mais ne bonne part pourrait provenir du basculement des investissement des fossiles vers les renouvelables, et le retour d’investissement, intégrant les coûts évités, est rarement évoqué. Le coût du « rien faire » est bien supérieur à celui de l’action.
Côté technologies, les choses avancent, et pourraient faire baisser les coûts. En deux ans la part des technologies d’avenir non encore disponibles est passée de 50% à 35%, les progrès sont rapides et ouvrent des perspectives. Par exemple, les batteries sodium-ion, qui réduiront nettement la pression sur le lithium, sont commercialisées dès cette année 2023. L’AIE recommande par ailleurs de doubler les progrès annuels d’intensité énergétique, le ratio énergie sur PIB. Produire plus avec moins d’énergie.
C’est au moment où il faudrait « mettre le paquet » que le nombre de climatosceptiques s’accroît dans de nombreux pays, et notamment la France. Il faut dire que les semeurs de doute sont à l’ouvrage, comme en témoigne l’émissions de télévision diffusée sur France 5 dimanche dernier 5 novembre sous le titre de « La fabrique du mensonge ». L’approche des échéances produit sans doute un effet « que ce calice s’éloigne de moi », et des doutes sur la nécessité de faire l’effort. L’accent mis sur le prix à payer plutôt que sur le résultat attendu n’est pas très encourageant, et l’opinion rechigne devant l’obstacle. Pure démagogie, mais l’approche d’élections dans plusieurs pays et en Europe conduit à revenir sur certains engagements climatiques. Le prix de ces retards sera lourd, et sera payé largement par ceux qui auront cru les mensonges et autres infox qui se multiplient concernant les énergies renouvelables et les changements inévitables dans nos modes de vie.
Les collectivités publiques ont un rôle moteur à jouer pour montrer les effets de la lutte contre le réchauffement climatique. Une action de proximité, qui produit des aménités dont chacun pourra bénéficier en plus de l’action climatique, par nature planétaire, même si ses conséquences s’expriment localement. Un double dividende, ou des co-bénéfices comme on les aime en matière de développement durable. Les villes sont au premier plan. Les chercheurs de école des Ponts ParisTech (ENPC) et du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired) ont analysé la situation de 120 villes dans le monde, et concluent qu’il est possible de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre tout en améliorant la qualité de vie des habitants. Les leviers dont les collectivités disposent sont divers, et leur efficacité varie d’une ville à l’autre. Pas de recette universelle, mais des pistes et des stratégies à retenir selon les situations géographiques, sociales, politiques, économiques. Les niveaux de pollution atteints dans certaines métropoles, et le coût engendré, compromettent gravement la qualité de vie, et les mesures à prendre peuvent à la fois lutter contre ces nuisances et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Il n’est donc pas trop tard, mais les obstacles sont nombreux, agités notamment par tous ceux qui voudraient que rien ne change. Nous savons au contraire, que c’est en acceptant de changer, et en contribuant activement au changement, que nous continuerons à améliorer le bien-être. Le statu quo nos condamne à la régression, économique, politique, et sociale. C’est en associant les intérêts perceptibles ici et maintenant et les urgences planétaires que le changement apparaitra souhaitable. La situation sanitaire est notamment directement impactée par le réchauffement climatique, au point qu’elle le rapport Climat/santé est devenu un point à l’ordre du jour de la prochaine COP. « Le changement climatique menace d'anéantir des décennies de progrès vers une meilleure santé et un meilleur bien-être » affirme l’OMM, organisation météorologique mondiale. Donner envie du changement, et il y a de nombreux arguments à faire valoir à cet effet, est la meilleure manière de provoquer l’élan nécessaire pour brider le réchauffement climatique, bien mieux que la peur de la catastrophe qui produit du déni ou la fuite en avant.
Edito du 8 novembre 2023
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