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Dictature du court-terme et vision du futur

Les réactions « à chaud » sont bien compréhensibles, mais elles sont souvent excessives et de ce fait contreproductives. Une vision partagée du futur est alors bien utile pour résister à ce besoin irrépressible de réponse immédiate, ou l’inscrire dans une perspective « durable ».

Face à des évènements brutaux, qui provoquent de l’inquiétude, voire de l’angoisse, la tentation est forte d’une réaction immédiate. Réaction bien compréhensible, mais qui fait souvent l’impasse sur l’analyse de la situation et la recherche de LA bonne réponse. Une logique action-réaction, directe, linéaire, au lieu d’un raisonnement « système », intégrant de nombreux paramètres en liaison avec l’évènement. Une satisfaction immédiate, pour chasser l’angoisse et se prouver à soi-même qu’il est possible de faire face, mais hâtive et souvent porteuse de suites indésirées. Une réponse qui irait à l’encontre de nos intérêts. C’est ainsi qu’une vengeance entraîne le cycle infernal d’une vendetta, pour prendre un exemple classique, ou qu’une interdiction sans discernement peut priver la société de ressources bien utiles.

Si le besoin de réagir vite et fort se comprend pour des phénomènes soudains et violents, malgré les risques de la précipitation, il est consternant de voir le même comportement pour des phénomènes lents, continus, dont nous mesurons régulièrement la progression. Ce peut être le vieillissement de la population, le réchauffement climatique, la chute de la biodiversité, ou encore la montée des inégalités sociales ou la baisse du niveau scolaire. Les réactions sont nombreuses au café du commerce - Ah si j’étais au gouvernement ! -, elles semblent frappées au coin du bon sens, mais leur spontanéité conduit souvent à proposer des mesures contreproductives.

Prenons les cas du vieillissement et du climat.

La population française vieillit. C’est la faute à la baisse de la natalité, il faut la relancer. Bonne idée si le monde était infini, mais il ne l’est pas et la population mondiale ne peut s’accroître indéfiniment. Ce sont souvent les mêmes, d’ailleurs, qui craignent la surpopulation et demandent les mesures natalistes pour la France. Les migrations peuvent apporter une solution, mais à conditions de les accepter et de se préparer à l’accueil. Et puis il faut se résoudre à cette nouvelle situation, d’une population plus vieille à laquelle il faut adapter nos institutions, nos équipements, notre économie, notre système de santé.

Le climat. Il est grand temps de passer aux actes, nous avons trop tardé. Comment lancer le mouvement de grande ampleur que nous appelons de nos vœux ? En nous faisant paniquer, propose Greta Thunberg. L’éco-angoisse comme moteur du changement, il est permis de douter de son efficacité. L’angoisse n’est jamais bonne conseillère, et pousse plutôt à des comportements de repli et d’enfermement, ou à des réflexes brutaux et sans effets autres que de renforcer le camp adverse. La peur, dans le même registre. Plutôt paralysante, jusqu’au moment où la catastrophe arrive, où chacun cherche son salut dans la fuite. Pas très performant non plus. La culpabilité, alors. Rien de mieux pour renforcer le camp des climatosceptiques. La honte n’est pas très populaire, chacun la rejette par réflexe, elle nous met mal à l’aise. A l’inverse, il convient de donner du courage à tous ceux qui sont prêts à se lancer dans des changements profonds, avec leur part d’inconnu. L’esprit d’entreprise, l’acceptation du risque, doivent devenir les vertus cardinales à promouvoir pour passer aux actes, et elles ne sont guère compatibles avec l’angoisse, la peur ou la culpabilité. C’est la confiance en soi qui permet de sortir de sa zone de confort.

L’urgence qu’il y a à prendre des décisions quand les évènements l’exigent provoque des décisions hâtives et le plus souvent partielles, douloureuses et aux effets collatéraux non maitrisés. Les approches linéaires, focalisées sur un objectif unique, donnent inévitablement des œillères, et par suite des angles morts dont les effets peuvent se révéler redoutables. La dictature du court terme s’exerce alors dans toute sa rigueur. Il n’est guère possible de l’éviter, mais efforçons-nous de la tempérer, de la relativiser. Une vision du futur, débattue et partagée, sera à ce titre un bien meilleur atout que la référence rabâchée à des références historiques issues de temps révolus.

Edito du 1er novembre 2023

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