Démocratie et changement
Le pacte vert européen serait en danger. Ça grogne au Parlement européen. Les records de chaleur de cet été n’ont manifestement pas convaincu de la puissance du changement climatique, et certains sondages semblent dire que la proportion des climatosceptiques aurait tendance à croître dans notre pays. Les prochaines élections européennes seront donc décisives pour l’avenir d’un pacte qui semble pourtant urgent si nous voulons éviter le pire.
Le changement est toujours une épreuve. Les chanceux, les nantis, craignent de voir leurs avantages ou leurs privilèges remis en question, et les plus pauvres ont peur de perdre le peu dont ils disposent. Pour tout le monde, le changement dérange, il nous bouscule et nous sort de notre zone de confort. Et pourtant, si nous voulons poursuivre une croissance de notre bien-être, il faut accepter de changer, le rien faire nous condamne à la régression, au déclassement. Pour vivre mieux, nous devons changer pour intégrer les nouvelles contraintes qui se manifestent et en faire des atouts.
C’est que le monde change vite, lui. Sans doute trop vite, mais c’est lui qui donne le tempo, il faut l’accepter. Nouveaux équilibres géopolitiques, nouvelles technologies, mouvements de population, dérèglement climatique, pénuries en vue de certaines ressources telles que l’eau douce, etc. Une avalanche de transformations profondes, qui ne peut que nous inquiéter. Nous souhaitons une pause, nous souhaitons reprendre notre souffle, comprendre ce qui se passe et nous y préparer, au moins dans nos esprits.
Dans le champ politique, une phrase résume cette situation, prononcée par le président des USA George HW Bush au sommet de la Terre à Rio, en 1992 : « L’American way of life is not negociable ». Une phrase qui nous a fait bondir, mais qui inspire dans les faits de nombreuses politiques, notamment celle de la France. « Il faut protéger les Français » en est la transposition, il s’agit bien de ne rien changer à notre mode de vie. Une phrase qui conforte tous les conservatismes, qui pousse au repli sur soi et au sentiment que c’était mieux avant. Michel Serres en a dit tout le mal qu’il en pensait. Les populistes de tous bords flattent l’opinion qui, légitimement, s’interroge sur l’avenir, se sentent dépassés et dépossédés de leurs droits de citoyen, et voudraient bien, tout compte fait, que rien ne change. Chaque discours officiel mentionnant la « protection » des Français fait monter le score des populistes, en ravivant un pseudo âge d’or de l’Etat providence, qui nous protégerait notamment de toutes ingérences étrangères. « L’enfer, c’est les autres » à l’échelle du pays. Les élections poussent les partis politiques à rassurer les électeurs ; le temps de la sueur, du sang et des larmes n’est plus qu’une référence historique, manifestement.
C’est ainsi que progresse le rejet des « vérités qui dérangent », pour reprendre le titre d’un film (et d’un livre, 2006) d’Al Gore, ancien vice-président des USA. Sous l’influence des réseaux sociaux, chacun s’enferme vite dans ses certitudes, partagées bien sûr par ses « amis », nous ne croyons plus que ce qui nous convient, et rejetons toute information contraire. Les Cassandre, passez votre chemin ! Allez promouvoir le changement dans ces conditions-là !
Il y a la peur. La peur des cataclysmes, de la fin du monde, opposée à la fin du mois. Un levier qui, hélas, ne fonctionne que quand il n’y a plus rien à faire, quand c’est trop tard. Puisque la science et la peur ne parviennent pas à changer les attitudes et les opinions, comment faire pour « vendre » le changement et rendre l’envie de changement majoritaire, dans un pays démocratique ? Certains ont renoncé, et misent sur des régimes autoritaires, mais il est à craindre que toute contrainte sur les modes de vie ne fasse l’objet de contournement et de résistances qui en compromettraient le succès. Rien à faire, il faut donner envie du changement, seule voie pour obtenir une contribution active du plus grand nombre audit changement. Tel est le défi que nous devons relever. Comment promettre « des lendemains qui chantent » tout en annonçant des changements profonds de mode de vie ? Un chalenge difficile, auquel tout parti politique « responsable » est confronté, et il y a certainement plusieurs chemins qui « mènent à Rome ». Donner un nouveau contenu au « progrès », tel est le moyen de donner envie d’un nouveau monde. Un point de passage me semble obligé : mettre l’humain au cœur des projets politiques, la qualité de vie de chacun d’entre nous, une qualité de vie réaffirmée non pas par l’amour du barbecue ou de la chasse, mais par l’intensité des relations humaines et de nos émotions. "Il n’est de richesse que d’hommes".
Edito du 20 septembre 2023
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