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Compter ce qui compte

Malgré tous ses défauts, le PIB, produit intérieur brut, est toujours d’actualité. Nous connaissons ses limites, voire ses failles, des alternatives ont été recherchées, des prix Nobel mobilisés à cet effet, mais il tient bon, il reste la référence. Il n’incorpore que ce qui est consigné dans les comptabilités des acteurs économiques, qui présente les mêmes défauts que la comptabilité nationale, à savoir l’exclusion de nombreux domaines qui comptent pourtant pour la bonne santé des entreprises et de la collectivité. Dans un rapport célèbre, intitulé « Entreprise et intérêt général » Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard notaient que « toute compréhension de l’entreprise passe par sa comptabilité. Or les enjeux sociaux et environnementaux qui doivent être considérés en sont absents ». C’était en 2018. C’est le concept même de comptabilité, d’entreprise ou nationale, qui est à reprendre pour y intégrer les données absentes aujourd’hui, à tous les niveaux.

Pour les entreprises, la progression de la RSE, responsabilité sociale et environnementale, est en marche. Il y a eu la loi NRE, Nouvelles Régulations Economiques, promulguée en 2001, dont l’objectif est d’améliorer la transparence dans les relations économiques et de favoriser la prise en compte du développement durable dans les activités des entreprises. Elle introduit le concept de reporting extra financier pour évaluer les performances environnementale, sociale et sociétale de l’entreprise. L’Europe s’inscrit à son tour dans cette dynamique, avec une directive « sur le reportage de durabilité des entreprises », NFRD, adoptée en 2014. Cinq ans plus tard, en France, c’est la loi PACTE, qui associe dans son titre croissance et transformation des entreprises, adoptée à la suite justement du rapport Notat-Sénard et du rapport « Financing a Sustainable European Economy » publié en 2018 par le groupe d’experts pour la finance durable constitué par la Commission européenne. La loi reprend la directive européenne en ce qui concerne le reporting, mais elle s’intéresse aussi au concept même d’entreprise, à sa raison d’être et à son rôle dans la société. L'article 1833 du Code civil précise que l'objet social de l'entreprise ne se limite plus à la recherche du seul profit mais que la société "est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ". Nouvelle étape européenne en 2022 avec la Directive CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive qui étend le champ d’application de la directive de 2014 et améliore de contenu des rapports de durabilité, notamment sur le changement climatique et l'impact des activités des entreprises sur l'environnement et la société en général. Entre temps, en mars 2021, est entré en application un règlement européen (UE 2019/2088) sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers Sustainable Finance Disclosure (SFDR).

Tant en France qu’en Europe, les exigences sur les rapports extra financiers ne cessent de se renforcer. Plus précis, et d’application plus étendue. Une avancée progressive à laquelle des organismes d’entreprises et de comptables ont répondu. Dès l’an 2000, un Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises, ORSE , est créé par des grandes entreprises du monde de l'industrie, des services et de la finance, des sociétés de gestion de portefeuille et des investisseurs, des organismes professionnels et sociaux et des ONG. La gestion des actifs immatériels devient en 2007 l’objet d’un autre observatoire, celui de l’immatériel, qui élabore « des propositions d’identification, d’évaluation des actifs immatériels au service de la stratégie et de la valorisation de l’entreprise ». En 2012, un Club Développement Durable créé au sein de l’ordre des experts comptables propose une comptabilité universelle, et publient un « manifeste » pour le promouvoir. Aujourd’hui, il existe plusieurs approches comptables des enjeux sociétaux et environnementaux. Le Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D), de l’association ORÉE et de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) se sont rapprochés pour en faire présentation sous le titre La comptabilité intégrée, un outil de transformation de l’entreprise à la portée de tous, toujours dans l’objectif d’accompagner la transformation des entreprises, vers plus de durabilité. Cinq méthodes comptables sont disponibles aujourd’hui, et sont expérimentées.

La comptabilité et développement durable semblaient bien éloignées, mais la pratique et les institutions les rapprochent de plus en plus. Si la comptabilité nationale a bien du mal à se mettre à l’heure du développement durable, celle des entreprises s’est engagée sur ce chemin. La comptabilité, outil du développement durable ? Une affaire qui marche.

Edito du 30 août 2023

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