Pendant la guerre, le dépassement continue
C’est le 2 mai dernier que nous avons atteint le « jour de dépassement » pour les produits de la mer. Nous dépendons des deux-tiers des importations pour ce type de consommation, malgré l’importance de nos côtes et de nos espaces maritimes « exclusifs ». Si nous ne mangions que le fruit de notre pêche, nous aurions épuisé le 2 mai notre potentiel de l’année. C’est le jour du dépassement. Voilà une manière d’illustrer concrètement la référence aux 3 planètes souvent mentionnée. C’est ce qu’il nous faudrait pour assurer nos besoins si notre mode de vie était généralisé sur la Terre. Nous ne parvenons à l’équilibre sur notre unique planète que du fait de la faible (et parfois très faible) consommation d’une partie de l’humanité, et de notre endettement vis-à-vis de nos descendants, en consommant le capital nature au lieu de le cultiver « en bon père de famille ».
Les progrès que nous pouvons faire pour le climat ou la biodiversité sont souvent présentés côté production. Des résultats acquis sur notre territoire, c’est toujours bon à prendre, mais ils ne rendent pas compte de ce que nous consommons, notre empreinte sur la planète. Le poids des importations grève lourdement nos performances, notre empreinte carbone ne progresse guère, vue du côté de nos consommations.
Il semble malgré tout que la situation dans les océans s’améliore ici et là, certaines populations de poissons se reconstituent, même s’il reste beaucoup à faire. Des négociations internationales pour réguler les prélèvements en haute mer sont toujours en cours à ce sujet, de même que pour le respect des fonds marins, objet de convoitises multiples.
Les baleines fournissent un indicateur spectaculaire de l’état de santé des océans et de la faune marine. Elles jouent un rôle essentiel dans le maintien des équilibres dans les océans, et consomment des quantités astronomiques de carbone, analogues à des milliers d’arbres par baleine. Un rôle qui a conduit les FMI à évaluer chacune d’elles à 2 millions de dollars. Un capital de l’humanité à faire prospérer, alors que six espèces de grandes baleines sur 13 sont classées par l’UICN comme menacées ou vulnérables. Le WWF a étudié leurs migrations, et propose la création de corridors bleus pour les protéger lors de leurs déplacements aux différentes périodes de leur vie.
Nous pouvons parfaitement réduire notre empreinte en changeant de mode de consommation, et en valorisant au mieux les produits de nos territoires. Les Islandais l’ont bien fait, par exemple, en exploitant la quasi-totalité des cabillauds pêchés, y compris la peau, les viscères et les arrêtes, récupérées dans des industries cosmétiques notamment. Des « déchets », auparavant rejetés en mer, qui deviennent ressources, qui permettent de réduire la pression sur les stocks de poissons tout en améliorant les revenus de la pêche et en créant des emplois de haut niveau.
La transition de nos économies et de nos modes de vie demande des efforts, mais plus culturels que financiers. Sur ce plan, il s’agit d’investissements, lesquels portent des espoirs de revenus, et qui sont mieux placés sur des valeurs d’avenir que sur celles d’hier, notamment les activités carbonées dont la fin est programmée à moyen terme. Ce sont plus des financements orientés différemment que de financements supplémentaires, qui s’ajouteraient aux autres. Des investissements bien plus intéressants pour l’humanité que ceux destinés aux armements, qui prospèrent aujourd’hui sans espoirs de retour. Une escalade fille de volontés de puissance et de domination que l’on espérait en perte de vitesse. Les traités de réduction des armements semblent bien oubliés…
Une capacité d’investir détournée des vrais besoins de l’humanité et qui serait bien plus utile, et rentable, dans le développement humain, sanitaire, scientifique, éducatif, culturel, là où sont les sources de la croissance de demain, avec la restauration des sols et des océans. Des champs de progrès qui réduiraient les rivalités entre les humains et les pressions sur la nature.
Les tensions internationales, la guerre en Ukraine, les coups d’Etat en Afrique et le terrorisme qui perdurent coûtent très cher, et orientent nos économies. En plus de leurs dégâts directs, ils détournent nos moyens financiers et nos cerveaux de l’objectif prioritaire qui devrait être l’exploration du monde de demain, objectif autrement plus exaltant et porteur d’avenir que la satisfaction de phantasmes nationalistes, et la résistance légitime qu’elle provoque. La course aux armements reprend avec vigueur, à rebours de celle au développement humain, durable évidemment.
Edito du 4 mai 2022
- Vues : 552
Ajouter un Commentaire