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Nucléaire et sécurité

Interrogé sur l’énergie nucléaire lors de la présentation de son livre « Une vérité qui dérange », à Paris en 2006, Al Gore établit immédiatement le lien avec la prolifération des armements nucléaires. Il précise qu’au cours de son mandat de Vice-président des Etats Unis, tous les problèmes de prolifération avaient à leur origine l’accès au nucléaire civil. La guerre en Ukraine remet cette question à l’ordre du jour, avec le risque de frappes sur des grandes centrales telles que celle de Zaporijja. Les tirs dont elle fut l’objet, qu’ils soient volontaires ou accidentels, nous alertent sur les conséquences dramatiques qu’une « balle perdue » ou qu’un geste désespéré pourraient avoir.
Pour de nombreuses nations, la possession de centrales nucléaires représente une forme de reconnaissance. La marque d’un niveau de développement, de la maitrise d’une technologie complexe. C’est appartenir à un club restreint, une distinction parmi leurs pairs. Un statut qui stimule inévitablement des ambitions, pour gravir un nouvel échelon dans la hiérarchie. Ce sont souvent ls régimes les plus autoritaires, également les plus fragiles, comme la Corée du Nord, qui y voient une assurance-vie, ou bien ceux impliqués dans une concurrence régionale comme l’Inde et le Pakistan. Dans cette logique, une attention particulière est à porter au combustible. L’uranium ne s’enrichit pas aisément, et le volet militaire oblige à se soumettre à des contrôles stricts, lesquels sont vite vécus comme des atteintes insupportables à votre souveraineté. Le cas de l’Iran est à ce titre une bonne illustration. Au lieu de vous donner une indépendance énergétique, le nucléaire vous oblige à vous soumettre à une autorité extérieure, et au bon vouloir des grandes nations, dont vous cherchez justement à vous émanciper. Ne soyons pas surpris des dérapages que cette position provoque. Et heureux sommes-nous que le projet d’installation ce centrales atomiques à la Lybie de Kadhafi n’ait pas été finalisé.
Aujourd’hui, ce sont les petits réacteurs qui ont la cote. Les SMR, small modular reactors. Des réacteurs de petite puissance et très couteux, selon les prévisions des experts, qui pourraient être mieux répartis sur le territoire, et qui seraient construits en grande série, pour en diminuer le coût unitaire. Un magnifique produit d’exportation.
La production d’électricité à vocation locale est une bonne idée, mais que penser des risques de prolifération qui accompagneraient cette stratégie commerciale ? Une multiplication d’Etats qui entreraient dans la familiarité du nucléaire, avec les tentations qui en découleraient. Et autant de cibles pour des actes malveillants, en ces temps où les conflits locaux semblent vivaces.
De manière générale, la production décentralisée réduit les risques, à condition qu’elle s’inscrive dans un schéma d’interconnexion pour assurer les pointes, et d’adopter des techniques maitrisées. Elles rapprochent producteur et consommateur, et responsabilise ce dernier. Les atteintes, guerrières ou techniques, voire climatiques, des grosses unités sont plus problématiques en cas de défaillance, et dramatiques en cas de destruction soudaine, belliqueuse ou accidentelle, comme la rupture du barrage de Malpasset, en 1959. Les sécurités sont aujourd’hui renforcées, mais le risque zéro n’existe pas. Autant en réduire l’importance quand c’est possible.

Edito du 9 mars 2022

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