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Ne pas se tromper

Ne pas se tromper de futur est une formule bien connue. Ne pas investir dans une impasse, aussi bien financièrement que psychologiquement ou politiquement. Eviter les filières sans avenir, même si elles peuvent séduire, est une première règle de développement durable. L’épisode des avions renifleurs illustre cette règle, avec un caractère heureusement anecdotique, comme le scandale des abattoirs de la villette, pour rester dans de vieilles affaires, mais la question se pose aujourd’hui sur des enjeux beaucoup plus lourds comme les sources d’énergie de demain.
Il arrive souvent que le choix soit orienté, sinon dicté, par des considérations de deuxième ordre, notamment affectives, morales ou conjoncturelles. L’objectif principal, la raison pour laquelle un équipement est souhaité, ou une politique est menée, est alors occultée ou reléguée loin parmi les critères d’appréciation. Prenons l’exemple de la santé. Santé publique, évidemment, celle du plus grand nombre, de l’ensemble de la population. L’objectif est alors son maintien en bonne santé au sens de l’OMS, à la fois physique et mentale. Mais l’importance du soin, de la relation entre le patient et le soignant, et l’immédiateté attendue de la réponse, a relégué cet objectif dont l’intérêt réapparait lors des grandes pandémies comme celle de la COVID. Il est vrai qu’elles étaient souvent attribuées à des colères divines, contre lesquelles il n'y avait de réponse que morale. Nous savons aujourd’hui que les causes environnementales, y compris l’alimentation, sont à l’origine de nombreuses maladies, mais les moyens affectés à l’approche environnementale de la santé restent bien faibles. Le coût social de la pollution atmosphérique et du bruit, pour ne prendre que ces deux volets de l’environnement, dépasse largement en France 200 milliards d’euros par an, à mettre en regard de la « consommation de soins et biens médicaux », 209 milliards en 2020. Le budget officiel de la santé est affecté au ministère de la santé, mais essentiellement pour les soins, et il manque le budget qui serait nécessaire dans tous les domaines, notamment logement, transports, alimentation, conditions de travail, pour assurer une bonne santé de la population. C’est comme si nous voulions remplir une baignoire sans veiller à ce que la bonde fonctionne bien.
L’affaire de la course de karts à la prison de Fresnes provoque des remous, et apporte une illustration à la question de l’objectif poursuivi. Pourquoi prononcer les peines de prison ? Pour punir ou pour éviter les délits ? La morale ou l’efficacité ? L’expérience montre les limites de la dissuasion par la punition. La répression participe à la baisse de la criminalité, mais n’est qu’un volet des politiques de sécurité publique. La réinsertion des délinquants dans la société est tout aussi importante. Offrir des perspectives d’avenir, redonner confiance en soi, sont autant d’aspects d’une politique de sécurité que la punition pour elle-même.
Le climat, la biodiversité. Les enjeux sont énormes, et là encore, il ne faut pas se tromper d’objectif, ni de stratégie. Il s’agit de mobiliser toute la société en faveur de changement de mode de vie et de comportement. Pas une affaire de « sachants » ou de militants qui imposeraient leur vision au reste de la société. Faut-il pour cela interdire, culpabiliser, faire peur du futur et des catastrophes que nous avons nous-même crées, ou bien valoriser de nouveaux comportements, montrer dans les actes qu’un « autre monde est possible », et qu’il est préférable au monde actuel ? Bien sûr, le danger est là, et il ne faut pas le minimiser, mais nous savons qu’il ne sera un motif de changement de comportement que quand il sera trop tard. De nombreuses initiatives montrent qu’un futur durable est à notre portée, faut-il encore en donner envie, et c’est sur ce point que l’effort doit porter. Le bonheur ne s’impose pas.
Santé, sécurité, climat, trois domaines clés qui engagent notre avenir. Trois domaines où les erreurs d’appréciation, et les orientations à l’encontre du sens de l’histoire, peuvent coûter très cher. Nous sommes souvent éblouis par des évènements qui frappent nos imaginations, et qui nous aveuglent sur les vrais enjeux, sur les voies de progrès. Nous les apprécions au filtre de nos références mentales forgées par l’ancien monde, au lieu de chercher à construire collectivement le cadre de penser qui nous permettra de relever les défis qui nous attendent.
Le développement durable est un nouveau mode de penser, alors que les débats politiques et sociaux qui nous agitent s’inscrivent essentiellement dans les mentalités héritées du passé, souvent obsolètes. « Du passé, faisons table rase » dit une célèbre chanson. Sans oublier les leçons de l’histoire, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre, décarbonée, avec une population mondiale stabilisée et vieillie, marquée par la puissance des systèmes d’information. Une société qui ne fonctionnera pas comme celles que nous avons connues. Une société à inventer à partir de la multitude d’initiatives que nous observons dès aujourd’hui. Un défi enthousiasmant, ne nous trompons pas de futur.

Edito du 24 août 2022

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