Skip to main content

Ne nous trompons pas de priorité

A l’approche de la coupe du monde de football au Qatar, un nouveau débat se profile dans les médias : les impacts climatiques du sport, consommation d'énergie, effet de serre, et puis aussi la consommation d'eau le déversement sur les pelouses de produits phytosanitaires. Ajoutons les transports nécessaires pour les pratiquants et pour les spectateurs, dont l'impact est également très important.

Bien sûr toutes les activités sont concernées, chacune doit revisiter son mode de fonctionnement pour réduire ses impacts. Le sport n'y échappe pas. Mais c'est peut-être une cible facile, alors que d'autres secteurs semblent exonérés de toute critique comme la Défense ou l'agriculture. Nous avons vu cet été des agriculteurs lutter avec les pompiers contre les incendies, mais sachant que l’agriculture produit 20% des émissions de gaz à effet de serre pour moins de 2% de contribution au PIB, il y a un parfum de pompier pyromane dans cette image d'Epinal.
Attaquons-nous en priorité aux grosses masses, à prendre en fonction du service rendu : alimentation, habitat, santé, éducation, loisirs, etc. La mobilité en tant que telle n'a guère d'intérêt à ce stade, elle doit être intégrée dans l'activité qui la motive, comme les loisirs, les parcours domicile-travail, ou la production industrielle pour ce qui concerne les marchandises.
L’habitat, par exemple, aussi bien la construction de logements et des équipements qui les accompagnent, que leur fonctionnement (consommation d'énergie d'eau, etc.), leur maintenance et leur entretien. Au total, un cinquième environ du PIB en France, à comparer à la part des émissions de gaz à effet de serre, du même ordre de grandeur, aux prélèvements d'eau douce, à la production de déchets etc. Pour l'alimentation, un tiers de notre empreinte écologique, une part provient de l'agriculture, une autre de la transformation, du transport, de la conservation, de la distribution et de la cuisine, chez vous.
Dans ces deux cas, un vrai bilan écologique, sur le carbone, l’eau, et la biodiversité, nous indiquerait où sont les priorités, où il faudrait porter l'effort en premier. Il n'est pas certain que cette analyse appliquée aux loisirs mettrait en évidence une priorité sur le sport (moins de 2% du PIB), qui créé du plaisir, de l'émotion et de la santé, bref des biens immatériels qui pourrait utilement se substituer à des consommations matérielles. Difficile, dans les statistiques officielles, de retrouver le bilan carbone des activités sportives, tout compris, notamment les transports pour aller s’entraîner chaque semaine au stade, ou aller assister à un match de coupe d’Europe de football, et toute l’intendance nécessaire comme le chauffage du gymnase. Il est probable que l’impact carbone du sport soit largement dû aux transports, comptabilisé ailleurs dans la rubrique « mobilité ». Les réactions à l’affaire du « char à voile » montrent que la question est d’actualité. Dans une brochure récente (1), le WWF s’inquiète pour la pratique du sport impactée par le réchauffement climatique, « à plus 2 ou plus 4 degrés », et pointe plusieurs pratiques que le sport pourrait adopter pour réduire sa propre empreinte carbone. Il le faut assurément, mais ce n’est pas du sport que viendra le salut.
Sans perdre de vue que toutes les activités doivent faire leur « transition », retenons qu’il y a des secteurs où il y plus à gagner que dans d’autres, et que l’action publique, financière et règlementaire, pourrait s’y concentrer prioritairement.
Dans ce contexte, la question des « gros rouleurs » est posée. Comment les aider à poursuivre leur activité en ces temps de prix élevé des carburants ? Dans l’attente des mesures à l’étude, il est permis de s’interroger sur l’objectif poursuivi. Est-il de gommer le surcoût actuel, ou de réduire la consommation de ces « gros rouleurs », tout en maintenant leur niveau d’activité ? Une mesure strictement conjoncturelle, pour passer le cap, ou structurelle pour alléger (sinon se libérer de) une charge qui pèse lourd dans les comptes des entreprises ? Dans le premier cas, l’argent public restera une simple dépense, alors que dans le second, ce sera un investissement dont les effets seront durables. Un investissement touchant à l’organisation générale de la logistique, aux techniques alternatives, aux regroupements de personnes ou de marchandises pour optimiser les déplacements, au transfert sur des modes non carbonés, etc. C’est plus ambitieux, et la conjoncture peut mobiliser les principaux intéressés, mais plus délicat, comme toute approche « système », qui intègre le contexte et les interférences, par rapport aux approches linéaires de réponse immédiate mais sans lendemain.
La lutte contre l’effet de serre est l’affaire de tous, mais tous ne sont pas égaux sur les moyens à déployer et leur efficacité. Au-delà des efforts de chacun, les politiques publiques devront privilégier les activités « à gros potentiel » de gains rapides, avec une stratégie de transition vers le monde de demain.


1 – Dérèglement climatique : le monde du sport à plus 2 et 4 degrés

 Edito du 21 septembre 2022

  • Vues : 514

Ajouter un Commentaire

Enregistrer