Les coûts cachés.
150 milliards d'euros, c'est le déficit annoncé du budget de l'état pour 2023. C’est aussi, à quelques milliards près, Le coût social du bruit dans notre pays, 147 milliards exactement. Bien sûr, une comparaison directe de ces chiffres n'a pas de sens. Ce ne sont pas les mêmes qui payent, et ils payent en partie en nature, sur leur santé et leur espérance de vie. L’Etat est aussi concerné, par des coûts directs ou des pertes de recettes fiscales : Dépenses de santé et arrêts de travail, perte de productivité, retards scolaires, etc. Pas de comparaison directe, donc, mais les ordres de grandeur sont là, 150 milliards d’euros, excusez du peu, et leur rapprochement montre l'importance du sujet « bruit » dans notre économie, notre vie quotidienne et notre santé. Au moment où chaque euro compte, qu'il soit public ou privé, ce constat devrait nous alerter.
Les coûts sociaux analogues à celui du bruit sont nombreux : pollution atmosphérique (100 Mds), consommation d'alcool (120 Mds), etc. rien que pour ces 3 postes, bruit, air et alcool, nous arrivons à 15% du PIB (à comparer avec le plafond prévu pour les retraites, 14%), et il faudrait en ajouter bien d'autres, comme les accidents de la route, la pollution de l'eau douce, où la dégradation de la biodiversité. Autant de coûts supportés par l'ensemble de la société, d’une importance considérable, et qui n'apparaissent guère dans les comptes publics. Des coûts cachés, et absents les débats politiques, et dans une large mesure, des débats publics. Tout se passe comme si ces questions ne présentaient aucun intérêt, alors que la population en ressent profondément les effets, dont elle est en partie responsable. Hors des comptes, point de salut, pourrait-on craindre, mais ce ne serait pas exact. Il y a des politiques publiques sur ces différents sujets, mais elles semblent manifestement hors sol, dotés de moyens ridicules par rapport aux enjeux constatés.
Cela est d'autant plus dommage que les investissements nécessaires seraient remboursés en quelques années. Dans le cadre du bruit, la lutte contre les passoires à décibels coûte de l’argent, et demande un réel savoir-faire pour choisir les meilleures solutions, ou assemblages de solutions partielles. Mais les bénéfices économiques et sociaux de l’opération sont rapidement au rendez-vous, un remboursement de la dépense en cinq années environ, pour lutter contre une dépense qui se renouvelle chaque année. Un bon placement pour les deniers publics, même si les retours ne vont pas directement à l’Etat.
Notons que les mesures de lutte contre le bruit relèvent souvent de la prévention, dont les avantages sont virtuels, prévisibles et calculés, mais non encore observés. En période de pénurie budgétaire, il est toujours tentant de s'affranchir de telles dépenses : la facture sera présentée plus tard et à d’autres responsables.
Des économies bien coûteuses, marquées du sceau du court-termisme, pour des phénomènes qui s'inscrivent dans la durée. Revenons au bruit. Certes, la nuisance prend fin quand le bruit s'arrête, mais celui-ci est conditionné par le type d'aménagement, par la qualité de la construction, par les besoins de transport, qui, eux, sont le fruit de choix dont les effets s’étendent sur des dizaines d'années. Il existe bien des mesures dont les effets peuvent être immédiats, comme la réduction la vitesse sur les routes et en ville. Des effets bénéfiques à plusieurs égards, le bruit, la pollution de l'air et de l'eau, le climat, notre commerce extérieur et la sécurité. Un simple choix politique qui ne coûte rien et qui met les usagers, les automobilistes, en première ligne, ce qui est bien normal puisque ce sont eux les responsables immédiats des dégradations observées. Il y a aussi d'autres responsables, ceux qui ont présidé au choix d'aménagement et d’équipement, ceux qui ont misé sur l'automobile comme moteur de notre croissance en oubliant d'intégrer dans leur projet les impacts de cette décision. Sans doute est-ce la diversité de responsables qui rend ce type de mesure difficile à prendre, chacun se rejetant la pierre. Les mésaventures du passage de la vitesse maximum sur les routes départementales de 90 à 80 km/h en offrent une parfaite illustration.
Cet exemple nous montre par ailleurs que les avantages à engranger en luttant contre les coûts cachés sont souvent multiples, telle mesure ayant des effets multiples. Des doubles ou triples dividendes bons pour la collectivité, mais toujours difficiles à comptabiliser secteur par secteur. Les économistes et les comptables ne sont pas à l’aise avec les coûts évités : à qui les affecter ?, sur quelle ligne, sur quel exercice budgétaire, etc.
Le développement durable nous invite à réintroduire les coûts cachés dans nos choix, qu’ils soient personnels ou professionnels, y compris dans le domaine public. Même avec une marge d’erreur, leur prise en compte permettra de chercher les meilleures orientations dans une perspective de long terme, et d’économies bien comprises.
Edito du 28 septembre 2022
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