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Le retour des vieux

La question des vieux s’impose progressivement en France. La gériatrie hospitalière crie misère, les EPHAD sont décriés, le maintien à domicile peine à prendre son ampleur faute de personnel compétent, et les vieux, sacrés vieux, ne cessent de se multiplier, il y en a de plus en plus. La dépendance est aujourd’hui reconnue comme une branche à part entière des politiques sociales. Des associations et personnalités créent un Conseil National autoproclamé de la vieillesse, pour dire leur mot sur le sort des personnes âgées et devenir un acteur de la politique du grand âge. Une question manifestement de développement durable (1), avec ses aspects sociaux et sociétaux, et une nécessaire vision à long terme.

Le mode de vie des vieux et la dignité de leur prise en charge sont évidemment des sujets incontournables, mais le principal n’est pas là. C’est la place des vieux dans la société qui est le sujet central, celui dont dépend tous les autres. Sont-ils des charges que nous devons assumer par souci d’humanité ou par affection, ou devons-nous leur reconnaître un rôle actif, une contribution à la vie publique de la collectivité, et personnelle au sein du groupe familial. De nombreuses sociétés dites primitives donnent aux anciens une position de sages, tandis que d’autres les envoient grimper aux cocotiers, pour vérifier qu’ils soient encore utiles au groupe. Que choisissons-nous, dans nos cultures, nos organisations sociales et familiales, nos modèles économiques ? Le débat n’est pas clairement posé, mais il semble que les actifs aient tranché. Craignent-ils leur concurrence, méprisent-ils leur expérience qui serait un frein à leur créativité, le slogan « place aux jeunes » leur servirait-il d’unique boussole ? La tendance est au confinement des vieux, hors des lieux de décision et même de conseil. Les limites d’âge ont été mises en place pour les éloigner des instances sensibles, et même dans les universités où leur apport n’est plus le bienvenu. Leur point de vue n’est même pas demandé dans l’élaboration des politiques de retraites, ce sont les actifs qui décident, au motif que ce sont eux qui paient.
Les vieux se rebiffent, et restent actifs dans les champs qui leurs sont laissés. Les associations en bénéficient, notamment humanitaires. Que seraient les restos du cœur sans la participation de cohortes de retraités ? Les vieux sont très présents dans la vie publique, où ils occupent une bonne part des sièges dans les conseils municipaux. La vie rurale est enrichie de leur expérience et de leur disponibilité. Les économies locales profitent de leur pouvoir d’achat. Dans l’univers personnel, les vieux sont des soutiens déterminants de leurs enfants et petits-enfants, par leur présence, et leur aide financière le cas échéant. Bref, les vieux veulent jouer un rôle actif, pour une bonne part d’entre eux, mais ils sont plutôt tolérés par les institutions que reconnus et accueillis à bras ouverts.
Plutôt que des charges, prenons les vieux pour des ressources. Acceptons leur présence et leurs apports, et facilitons-les. Nous n’avons d’ailleurs pas le choix, car les vieux seront de plus en plus nombreux, le rapport actif/retraités entrainera des prélèvements toujours plus lourds sur les revenus des actifs. Il faut trouver les modes de participation des vieux à la vie sociale et économique, des modes adaptés à leur âge. La solution la plus facile est de jouer sur l’âge de départ à la retraite, pour accroitre le nombre d’actifs (chômeurs compris) et réduire celui des retraités. Une solution qui ne prend pas en charge la spécificité des vieux, aussi bien de leur condition physique que leurs mentalités, et qui ne traite pas la question de la place des vieux le jour, même retardé, où la retraite arrive. L’activité est en effet une des conditions du maintien en forme physique et mentale des vieux. Bouger et bénéficier de relations sociales multiples, deux manières de vivre en forme le plus longtemps possible, d’apporter du plaisir dans la vie des vieux, de retarder le moment de la dépendance.
Notre vision de la vie en trois époques, l’enfance et l’apprentissage, l’âge actif et la vieillesse, est une vision du passé. Ces trois phases s’entremêlent joyeusement, avec des transitions dont une particulièrement importante, entre l’âge dit « actif » et la vieillesse véritable. Un quatrième âge s’est glissé, celui des jeunes vieux, et c’est cet âge qu’il convient de faire durer, à la fois pour le bonheur des intéressés et l’intérêt de la collectivité, que ce soit dans l’économie marchande que dans l’économie informelle, familiale, publique, associative. La reconnaissance des vieux comme acteurs économiques et sociaux de pleins droits, voilà une grande cause à saisir, vite.

1 - Voir notamment sur ce sujet "La retraite, un vrai sujet de développement durable" et un-vieillssement-inluctable-lemonde-26-juillet-1978.pdf

Edito du 17 août 2022

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