Le mode de vie des Français est non négociable
Quand la question de l’environnement, ou du climat, est posée à nos candidats au pouvoir, ils ne semblent n’avoir qu’une obsession : Le mode de vie des Français ne sera pas affecté. « Il faut protéger les Français » tient manifestement de référence, c’est la toile de fond de tous les discours. Dormez braves gens, l’Etat s’occupe de tout.
Le défi climatique à relever ? Le progrès technique résoudra tout, avec une politique industrielle bien conduite. Il y a évidemment des nuances, notamment sur les énergies renouvelables, mais l’idée même d’une évolution dans les comportements et les consommations n’est jamais évoquée. Ce n’est sans doute pas « vendeur » électoralement parlant. C’est tout juste si la sobriété est citée, mais toute en rondeur, ne vous inquiétez pas.
Le développement durable, c’est tout le contraire. C’est le changement, la grande transformation, et tout l’art, pour un gouvernement, est de faire en sorte que ce changement émerge naturellement de la société toute entière. Une « société apprenante » comme le suggère Joseph Stiglitz (1), qui évolue en continu et adopte spontanément de nouvelles pratiques. Le contraire, aussi, d’une vision venant d’en haut, où des sachants nous imposent nos comportements, une approche qui provoque souvent le rejet ou le déni.
Toute forme de changement est une épreuve pour tous ceux qui voudraient que rien ne change, des conservateurs au sens plein du terme, ceux qui s’accrochent à un passé idéalisé. C'était mieux avant ! Mais le monde change. « Nous n’habitons pas la même planète que nos aïeux, disait Bertrand de Jouvenel, la leur était immense, la nôtre est petite ». Les modes de vie n’arrêtent pas d’évoluer, et le font de plus en plus vite, grâce à la mise sur le marché de produits nouveaux, l’électricité en son temps, puis la voiture, puis la télévision et le smartphone, et j’en passe, bien sûr. Ils l’on fait sur la base d’un monde généreux, dont les ressources sont infinies. Une planète immense, sans limites. Nous voyons aujourd’hui que c’est une impasse. C’est une autre orientation qui doit guider l’évolution de nos modes de vie, de manière à ce que la « finitude » du monde ne soit pas un châtiment, mais au contraire, l’occasion de découvrir de nouveaux plaisirs, de mieux valoriser le génie humain, de stimuler nos intelligences et nos sensibilités. Remplacer la recherche de plus de ressources par celle d’un meilleur usage de celles dont nous disposons, remplacer le toujours plus par un toujours mieux. Donner envie du changement, le rendre facile, l’accompagner à la seule condition qu’il s’inscrive dans les limites de la planète. Telles sont quelques lignes directrices de l’action de l’Etat. Nous sommes loin de « protéger les Français ».
Et puisqu’il faut toujours un axe de progrès, pour stimuler les cerveaux, une forme de croissance, privilégions le développement humain, éducation, relations sociales, culture, sport, santé. C’est une croissance immatérielle qu’il convient de faire prospérer pour améliorer sans cesse notre qualité de vie sans avoir à pressurer toujours plus une planète qui n’en peut mais. Revenons sur la santé, bien en peine en France, avec ses déserts médicaux et ses hôpitaux en crise endémique. Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire rejetait les approches comptables de l’aménagement du territoire. Des approches fondées le plus souvent sur de mauvais calculs, des économies qui coûtent cher. La pénurie de professionnels de santé, par exemple, voulue et organisée pour faire des économies, conduit à la fermeture de services dans les hôpitaux, et pas seulement dans les petites villes et les campagnes. Des services uniques et unanimement reconnus, comme celui d’immuno-pathologie clinique de l’hôpital Saint-Louis à Paris, sont menacés de fermeture faute de personnel, tandis que se poursuit la recherche de gisements d’hydrocarbures, condamnés à l’avance pour cause de réchauffement climatique. Nous ne mettons manifestement pas l’argent là où il le faudrait. Une triste illustration de l’inertie qui domine nos économies, et à laquelle nous aimerions bien que le prochain gouvernement s’attèle. Le changement a bien du mal à se frayer un chemin, et nous finirons par se voir imposer de nouveaux modes de vie, au lieu de les imaginer nous-mêmes, collectivement.
1 - Une nouvelle société de la connaissance, Joseph E. Stiglitz et Bruce C. Greenwald , Les liens qui libèrent, novembre 2017
Edito du 20 avril 2022
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