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L’immobilisme est en marche

« L’immobilisme est en marche, et rien ne pourra l’arrêter ». Une phrase bien sentie, attribuée à Edgar Faure et reprise pas Christian Binet dans son album « Monsieur le ministre (1) ». Nous le voyons bien, notre planète se transforme, de nouvelles puissances émergent, l’électronique et demain le quantique bouleversent nos modes de vie, la hiérarchie des nations et des entreprises, et nous sommes confrontés à la finitude du monde. Les défis sont multiples nous demandent de changer de registre pour y faire face et de renouveler notre manière d’organiser les débats politiques. Les pratiques d’hier ne parviendront pas à corriger nos erreurs ni à s’adapter au paysage nouveau qui prend forme au cours de ce siècle.

C’est bien normal, nous ne savons pas toujours comment faire, nous sommes parfois désemparés. La réaction à des évènements inédits consiste souvent, faute de mieux, à faire comme avant, en jouant sur quelques paramètres. Un réflexe ancien, mais qui ne fait guère avancer les choses, en général, et reporte les problèmes plutôt que les résout.
Dans l’actualité d’aujourd’hui, voici les sanctions contre la Russie. Ce n’est pas la première fois, et la formule est classique. Quels résultats, sur la Crimée, par exemple, ou ailleurs, l’Iran, la Syrie, ou les Talibans. Pas grand-chose, si ce n’est la baisse du niveau de vie des populations. Nous savons que ça ne sert pas à grand-chose, mais que faire, si l’on s’interdit le recours aux armes ? Sans réponse sérieuse à la question, nous continuons comme avant, en durcissant les sanctions, alors que nous avons de nombreux indices selon lesquels elles ne font que renforcer les dictateurs visés. Sommes-nous sûrs qu’il n’y a pas d’autre manière de faire ?
Dans d’autres domaines, les conflits sociaux prennent vite la forme de grèves, parfois contre-productives. Le rapport de forces comme méthode de résolution des conflits, même s’il n’est pas favorable. Tout simplement parce qu’il est impensable de ne rien faire et qu’aucune autre idée n’est apparue. Là encore, au temps de l’informatique et des réseaux sociaux, n’y a-t-il pas d’autres issue que le rapport de forces ?
Les réformes sont toujours dérangeantes. Elles cassent nos habitudes, elles nous obligent à nous adapter à un nouvel ordre des choses. La hiérarchie des préoccupations et des personnes change, nous ne savons plus où nous en sommes. Et surtout, les réformes se justifient par les défaillances de l’organisation de départ, ce qui est vite perçu comme une critique, plutôt que la recherche d’une amélioration. « C’était mieux avant », ou « on a toujours fait comme ça », sont les réactions des intéressés dérangés dans leur confort de vie et de pensée.
Ajoutons qu’il est rare qu’une réforme, même préparée avec minutie et en associant les personnes intéressées, ne nécessitent pas des ajustements. Il y a toujours quelques ratés, des points sensibles qui restent à régler. Une bonne occasion pour tirer à boulets rouges sur la réforme, et tenter de revenir à la situation antérieure, ce qui est en général impossible. Dans notre pays, chaque nouveau Gouvernement promet des réformes, présentées comme fondamentales, urgentes, et solution incontournable (ou même miracle) pour résoudre tous les problèmes. Mais une bonne partie du corps social résiste, et il y a mille manières de le faire. Bloquer à la source les décisions, recours divers, gel de fait de leur mise en œuvre en arguant de difficultés diverses, notamment un manque de moyens humains ou financiers. Le choix, en définitive, est souvent entre le passage en force et un retour déguisé au statu quo. La réforme, oui, mais plus tard.
Nous atteignons les limites de la planète, ce qui nous oblige à de profondes remises en cause. Il y a eu le déni, il y a les rêves de l’infini, conquête de l’espace et colonisation de planètes, il y a la confiance aveugle en la science, il y a la bienveillance de Dieu, il y a mille raisons de repousser cette épreuve à plus tard, et de continuer comme avant.
Pour sortir de ces impasses, dont l’immobilisme est la conséquence la plus fréquente, il faut des évènements marquants, comme la COVID ou une crise aigüe de l’énergie, qui permettent de bousculer l’ordre établi, mais avec le risque de retour en arrière une fois franchi l’obstacle immédiat.
L’immobilisme est en fait dans les mentalités. Le vrai changement ne peut s’opérer que dans nos modes de penser, alors que nos cerveaux ont été formatés dès notre tendre enfance, et que nous prenons comme des acquis intouchables ce qui n’est qu’une forme d’organisation. « Croissez et multipliez » a été notre ligne de conduite depuis la nuit des temps. Une croissance essentiellement quantitative, plus d’humains, plus de moyens, plus de prélèvements. C’est l’ère du PLUS, et nous en sommes arrivés au terme, ce qui explique en partie l’immobilisme « que rien ne pourra arrêter ».
Imaginons une autre forme de croissance, où le MIEUX prendrait la place du PLUS. Comment cette révolution dans les modes de penser pourrait-elle émerger et prospérer dans nos institutions ? Réflexion de lendemain d’élection (Première partie) …

1 - Editions Fluide glacial, 2014

Edto du 13 avril 2022 

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