De la sobriété de circonstance à la performance durable
Malgré tous ces problèmes, les crises ont parfois des effets positifs. Pour lutter contre les pénuries, nous parvenons enfin à des mesures que nous attendions depuis longtemps pour lutter contre l’effet de serre. C’est comme la gestion de l’eau douce. Il a fallu la sècheresse pour qu’une cellule interministérielle de crise soit créé pour que la question, qui deviendra de plus en plus sensible et nous le savons depuis longtemps, fasse l’objet d’une prise en main sérieuse.
La sobriété est à l’ordre du jour. C’est l’axe numéro 1 de toute politique climatique, agir sur la demande. Le triste mot de sobriété aurait pu être remplacé par performance, mot plus punchy, plus engagé sur le futur. Il s’agit en effet de maximiser le service rendu pour répondre à nos besoins, à nos envies, en utilisant le moins possible de ressources, notamment d’énergie ou autre produit néfaste pour la planète. « Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources », pour reprendre le sous-titre du rapport au Club de Rome, « Facteur 4 »( ).
C’est donc ces jours-ci, en plein mois d’août, que le gouvernement lance des groupes de travail pour mobiliser les administrations et les secteurs productifs sur le thème de sobriété. Une première remarque sur les thèmes et les acteurs retenus (Etat exemplaire, collectivités territoriales, entreprises et organisation du travail, logement, numérique et télécommunications, surfaces commerciales, etc.). L’agriculture semble épargnée, elle qui est responsable de 20% des gaz à effet de serre pour une production inférieure à 2% de notre PIB, elle qui consomme les 2/3 de notre eau douce et entre ainsi en concurrence directe avec les producteurs d’énergie qui en ont bien besoin. Curieux…
Tous les ministères, tous les secteurs d’activité, sont concernés, et c’est une bonne chose. C’est cependant aux gros consommateurs d’énergie de prendre en premier leurs responsabilités. Il y a bien sûr les techniques de production, mais aussi et surtout les manières de consommer, les pertes en ligne, la valorisation des produits invendus, la lutte contre toute formes de gâchis. La performance est là pour chaque acteur, public ou privé : offrir le meilleur service, le plus adapté au besoin, au meilleur coût environnemental. En matière d’énergie, les « certificats d’économie d’énergie », CEE, ont conduit les fournisseurs à s’intéresser à ce que font leurs clients de l’énergie qu’ils leur vendent. Ils ne doivent plus vendre d’énergie, mais un service énergétique, de la lumière, de la chaleur, de la puissance pour des moteurs, etc. La qualité de la performance plutôt que la quantité de produit.
Les secteurs moins consommateurs d’énergie, et plus petits contributeurs de gaz à effet de serre ont des efforts à faire comme tout le monde, mais leur rôle principal serait plutôt d’ordre sociétal : mobiliser les citoyens, proposer des consommations moins gourmandes en énergie et moins émettrices de gaz à effet de serre, offrir d’autres idéaux que la société de consommation. Le sport, la culture et les spectacles peuvent notamment devenir plus sobres, mais ce ne sont pas de gros gisements comparés à l’agriculture, au logement, à la mobilité. Ils peuvent en revanche jouer un rôle déterminant en ouvrant des perspectives de développement personnel, en créant des univers fondés sur d’autres valeur que l’accumulation de biens matériels, en offrant des émotions nouvelles non consommatrices de ressources, ou si peu.
La sobriété nous est proposée pour lutter contre des fléaux que nous espérons momentanés, guerres et pénuries. Transformons-la en opportunité pour explorer de nouveaux, modèles de développement, de nouveaux modes de vie, plus intenses en émotions qu’en énergie. Une performance durable.
Edito du 10 août 2022
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