Comme avant
L’organisation de notre espace a été conçue en fonction de l’automobile. Les villes ont été des ilots de résistance, mais elles ont dû céder : il faut adapter la ville à l’automobile nous a dit Georges Pompidou. Il y a heureusement beaucoup de centre-ville qui se sont préservés, mais leurs extensions n’en n’ont pas eu la possibilité, provoquant ainsi une consommation d’espaces bien supérieure à ce que le modèle ancien, la ville dense, aurait nécessité. L’automobile, perçue comme une aventure industrielle majeure, choisie pour doper notre économie. C’était au temps de l’essence pas chère, et du contrôle des pays pétroliers par les pays « du Nord ».
Nous en sommes arrivés à dépendre très fortement de l’automobile, incontournable dans les campagnes, désertées par de nombreux services. Fini, les commerces installés dans les villages et rayonnant aux alentours, ou encore les services publics et les médecins. Impossible de vivre sans voiture, d’où l’abandon par les personnes âgées de leurs maisons isolées, et multiplication, des deuxièmes ou troisièmes voitures dans les ménages, avec les dépenses qui vont avec. La remise en question de ce modèle d’aménagement ne semble guère à l’ordre du jour, alors que c’est une politique de longue haleine, qui doit se poursuivre sur une ou deux générations au moins. Au-delà du changement de source d’énergie dans les voitures, c’est la réduction des besoins de mobilité qui est la principale source d’économie d’énergie et de baisse des émissions de gaz à effet de serre. C’est là le vrai changement, qui implique une réorganisation des activités, de leur implantation et de leur mode de fonctionnement à l’heure des nouvelles technologies de communication. L’électrification du parc s’inscrit dans une vaste transformation de notre société, elle doit contribuer à la dynamique du changement en proposant une nouvelle approche de la voiture dans un espace revisité. Se contenter du simple changement d’énergie serait, l’inverse, un frein au changement.
Autre exemple, les pesticides en agriculture. La réponse à l’abandon du glyphosate et autre néonicotinoïde est toujours la même : d’accord, dès qu’un produit de substitution sera trouvé. Bien joué pour retarder le changement, peut-être pour longtemps car les produits inoffensifs ne se trouvent pas aisément. Il faut aussi croire à leur intérêt, sans doute lié, côté producteur, à des durées de validité de brevets. L’industrie, comme dans la question de la mobilité, joue toujours un rôle décisif. Un produit miracle, donc, et tout continue comme avant, même si nous savons que le modèle agricole présente bien d’autres aspects à corriger, comme l'érosion et la gestion du cycle de l’eau, pour reprendre un sujet sensible. Le changement vers d’autres modèles est pourtant souhaité et pratiqué par de nombreux agriculteurs et une large partie des consommateurs. L’exportation sera de plus en plus conditionnée par des exigences de qualité. Et surtout, l’agriculture est responsable du cinquième de nos émissions de gaz à effet de serre, 20%, pour 2% du PIB. Une situation intenable, qui nécessite une transformation profonde des pratiques agricoles. Changer de produit ne répond en rien à cette exigence.
Dans bien des domaines, le changement ne se résume pas à quelques modifications partielles, c’est une approche différente, fondée sur l’analyse des besoins et des impacts des activités, sur la disponibilité des ressources, aujourd’hui et demain. Les technologies modernes offrent un champ d’innovations exceptionnel. Utilisons-les pour rechercher un ou plusieurs modèles originaux, qui puissent apporter le double dividende propre au développement durable : plus de bien être, et moins de prélèvement de ressources.
Edito du 30 novembre 2022
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