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Un vieillissement inéluctable

Tous les 5 ans, l’INSEE publie des projections de la population française. Combien serons-nous dans 10, 20 ou 30 ans, quelle composition de la population entre jeunes et vieux, actifs et inactifs, hommes et femmes. La dernière vient d’être publiée dans une note du 29 novembre dernier.
Les questions démographiques sont souvent évoquées : tantôt il s’agit des retraites, tantôt de la population mondiale qui pourrait atteindre des niveaux incompatibles avec la « durabilité » de la planète. Tantôt il faudrait qu’elle s’accroisse, et l’on parle de « bonne santé démographique » de la France, tantôt on s’inquiète de la surpopulation mondiale, la « bombe P ».

Les prévisions en la matière doivent intégrer de nombreux facteurs, et présentent donc des incertitudes, mais la tendance est là : la population mondiale se stabilisera au cours de ce siècle, peut-être dès 2050, entre 10 et 11 milliards d’humains. Celle de la France, selon l’INSEE et dans l’hypothèse de la poursuite des tendances actuelles, passera par un maximum de 69,3 millions en 2044, un peu plus, donc, que les 67,4 millions que nous sommes aujourd’hui. Pas de gros écarts au total, mais une variation très nette de la structure par âge : pour 100 personnes de 20 à 65 ans, les plus de 65 ans seront 51, contre 37 aujourd’hui. La retraite par répartition a du souci à se faire, le nombre d’ayant droit allant augmenter bien plus vite que celui des cotisants. Que faire pour sauver nos retraites ?
Pousser sur la natalité, c’est faire fi de la surpopulation mondiale. L’immigration peut régler une partie du problème, à condition de considérer que c’est une opportunité et non une calamité, et de faire l’effort nécessaire à la bonne intégration des nouveaux venus. Tout miser sur l’accroissement de la productivité et sur les robots, c’est accepter d’augmenter les cotisations des travailleurs et d’en créer pour les robots, ou encore de transférer la charge des retraites sur la fiscalité. Une autre approche consiste à revoir notre conception du travail. Décaler l’âge de départ à a retraite, c’est demander de travailler plus dans les mêmes conditions. C’est difficile à accepter, ce n’est pas le « progrès » tel qu’on se l’imagine. Travailler mieux serait une piste bien plus prometteuse. La qualité de vie au travail, l’intérêt que chacun y trouve, la liberté de s’organiser comme on le souhaite, l’adaptation des tâches, des statuts et du management à des travailleurs âgés, voilà des options qui permettraient d’augmenter le nombre des actifs et qui iraient dans le sens de l’histoire. Le prolongement de l’activité, selon des modalités ajustées aux souhaits des intéressés permettrait en outre de lutter contre la solitude des vieux et de retarder la dépendance.
Nous sommes obnubilés par le financement des retraites, mais ce n’est qu’une partie du problème. Le vieillissement affecte toute la vie sociale. Il est légitime de s’inquiéter d’une société plus conservatrice, qui aurait peur de l’avenir et s’accrocherait à un passé révolu. L’aptitude à l’innovation, à la prise de risque, la créativité seront affaiblies. La transmission des entreprises, de l’immobilier et des richesses d’une génération à une autre en serait compliquée et retardée. Le système de santé et son financement sera affecté, ainsi que les politiques de logement, des loisirs, de la culture, etc. et la place de la jeunesse dans une société vieillissante. Les conséquences sociales et sociétales du vieillissement sont au moins aussi importantes que les conséquences économiques, et elles sont le plus souvent en dehors des débats, trop absorbés par la question des retraites.
Le vieillissement, mis en évidence par l’INSEE, est la conséquence mécanique de la stabilisation de la population. Il est inéluctable, et toute tentative de le retarder ne ferait que transmettre le défi aux générations futures. Mieux vaut aborder la question le plus tôt possible, pour tenter d’adapter la société, ses règles économiques, sociales, culturelles et politiques à ce nouvel état de choses. Nous vivons une transition démographique de même ampleur que celle que nous avons connue au XIXe siècle chez nous, de fortes baisses, décalées, de la mortalité et de la natalité. En cette période pré-électorale, voilà un sujet majeur où l’on aimerait bien voir abordé autrement que par des caricatures ou des approches fragmentaires.

Edito du 15 décembre 2021

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