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Réflexions de solstice d’hiver : Accepter de changer

Beaucoup de nos contemporains pensent que la vie sera plus dure pour leurs enfants. Ils devront travailler plus longtemps, leurs emplois seront plus précaires, et toutes les avancées sociales auxquelles ils aspiraient deviendront inaccessibles. La crainte du futur est alimentée notamment par la perspective de catastrophes écologiques, de pénuries, et des désordres sociaux qui ne manqueront pas de naître de ces calamités.
Ils ont raison, si la croissance telle que nous la connaissons se prolonge, mais ce n’est pas une fatalité. Il existe d’autres formes de croissance, qu’il convient d’explorer, d’expérimenter, et qui soient compatibles avec la « finitude » du monde. Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources, nous dit le rapport au Club de Rome Facteur 4. Ces autres formes de croissance, il faut les chercher, c’est ce qui s’appelle le développement durable. Une démarche exigeante, car il faut accepter de sortir de sa zone de confort, accepter de changer. Les résistances au changement sont nombreuses, certaines sont légitimes, d’autres sont seulement le fruit d’inerties, du poids d’infrastructures et de mentalités héritées d’un autre temps.
Prenons le cas du glyphosate et des néonicotinoïdes, et à une échelle globale le dérèglement climatique : qu’il est dur de changer de modèle, du modèle qui nous a permis d’atteindre les niveaux de vie dont nous sommes fiers. Les faits sont établis, de nombreux produits phytosanitaires sont mauvais pour notre santé, et le réchauffement climatique s’avère un véritable danger pour les humains. Mais rien n’y fait, nous continuons comme avant, ou du moins de puissants acteurs nous y incitent fortement et font tout pour continuer comme avant. Et pourtant, nous savons bien qu’il faudra changer, et que nous en avons les moyens. « Encore un instant, Monsieur le bourreau », la formule tient toujours.
Cette situation nous rappelle un drame qui a eu lieu au Japon au siècle dernier. C’était à Minamata, sur un golfe où une usine chimique a déversé des composés au mercure de 1932 à 1966. Dès 1949, des troubles graves du système nerveux ont été diagnostiqués, dont les premières victimes étaient les pêcheurs, gros consommateurs de poissons. La réaction des autorités et de l’industriel a été de nier la relation entre les rejets et les problèmes sanitaires. Le plus curieux a été que les pêcheurs ont été eux aussi enclins à cacher le problème, tellement ils avaient peur de voir leur activité interdite. Les principales victimes ont ainsi été complices du maintien de la pollution. L’idée de changer était au-dessus de ce que pouvaient accepter les pêcheurs, inquiets d’une possible interdiction d’exercer leur métier, et ils ne pouvaient pas dénoncer les agissements qui les affectaient durement, eux et leurs enfants souvent nés avec des malformations.
Accepter de changer est une épreuve même quand la vie en dépend. C’est notre situation aujourd’hui, face à la dégradation de notre environnement, le climat et la biodiversité en étant les facettes les plus emblématiques. Il faudrait y ajouter notre environnement intime, y compris notre alimentation, le tabac, le bruit, l’air que nous respirons, etc. Le coût social de la pollution de l’air, du bruit, du tabac, représente pour chacun plus de cent milliards d’euros chaque année, l’obésité, fille de la malbouffe la moitié. A comparer aux 3 000 milliards de notre PIB, l’addition est lourde, et elle n’apparaît pas dans nos comptes publics. Ça vaut peut-être le coup de changer de modèle…
Ce changement ne peut pas être imposé. Les nouveaux modèles sont à imaginer, et prendront corps grâce aux initiatives de milliers d’acteurs, collectivités, entreprises, citoyens, consommateurs, associations, et ce sont eux qu’il faut mettre en ordre de marche pour explorer des « lendemains qui chantent ». Les modèles venus d’en haut ne fonctionnent guère, et font souvent bien des dégâts. Comment créer la dynamique de toute la société, l’accompagner en soutenant l’innovation, la recherche, la formation aux techniques émergentes, et le soutien à tous ceux qui se sentiront dépassés, tel est l’enjeu qui devrait être au cœur de l’élection présidentielle. Une société « apprenante » comme le dit Joseph Stiglitz. Une société qui a envie du changement, un changement nécessaire pour que demain soit plus riant qu’aujourd’hui.

Edito du 22 décembre 2021

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