Le dur apprentissage de l’autonomie
La crise sanitaire nous a montré à quel point nous sommes dépendants des autres dans le monde, sur le plan sanitaire bien sûr mais aussi sur le plan économique. Pour l’effet de serre, nous le savions déjà, mais nous avons du mal à en tirer les enseignements malgré les alertes répétées du GIEC, chacune venant confirmer et renforcer la précédente.
L’interdépendance est une bonne chose. Elle permet de mieux connaître d’autres cultures, d’autres manières de vivre et même de penser, elle favorise la coopération internationale et « l’amitié entre les peuples ». Elle a aussi ses exigences et ses limites. La crise sanitaire nous a montré à la fois que la coopération scientifique a été d’un immense apport pour la recherche de vaccins, et que chaque Etat faisait égoïstement le forcing pour obtenir des doses, fut-ce au détriment d’autres pays, notamment les plus pauvres.
Au plan économique, nous avons découvert à quel point nous dépendions d’autres pays, notamment de la Chine, pour des biens essentiels, médicaments, composants électroniques, etc. Une réaction en faveur d’une relocalisation de ces productions chez nous ou en Europe est annoncée, ce sera un élément de la « relance » post covid. Sur le point particulier de l’énergie, nous avons vu le prix du pétrole baisser puis remonter en fonction de la demande mondiale, alors qu’il influence directement notre pouvoir d’achat et notre vitalité économique. Ce n’est pas la première fois que nous avons été fortement secoués pour nos approvisionnements énergétiques. Les crises pétrolières des années 1970 nous ont profondément affectés, ce qui a entraîné la recherche d’une autonomie énergétique. Le choix a été fait du nucléaire, avec pour conséquence la construction en quelques années d’un parc très important, qui arrive aujourd’hui en bout de course, même s’il peut être encore prolongé quelques années. Une autonomie toute relative, avec une ressource nationale d’uranium très réduite et vite consommée, ce qui nous a rendu dépendant d’autres pays, qui ont leurs propres problèmes, et par suite leurs propres exigences. Ajoutons les restes, qui ont encore de beaux jours, trop bien sûr, d’énergies fossiles, pétrole et gaz essentiellement, qui gouvernent nos relations avec la Russie et les pays pétroliers, d’Afrique et du Golfe.
L’indépendance, ou au moins une large autonomie des ressources énergétiques est nécessaire, comment y parvenir ? Avec notre potentiel propre, celui que la nature nous a donné. Une énergie décarbonée par excellence, celle du soleil qui baigne notre territoire, le vent, sur terre et off-shore, le flux des rivières, le sous-sol avec la géothermie, la chaleur diffuse captée et stockée dans nos sols à moindre profondeur, et les énergies marines, forces des marées, des courants et de la houle, différences de température, etc. Il y a les énergies qui recyclent le carbone capté dans l’air ambiant grâce à la photosynthèse. Ils évitent le déstockage du carbone enfoui depuis des millénaires et que nous consommons allègrement depuis deux siècles. Il s’agit de la biomasse, sous toutes ses formes, solides comme le bois, ou gazeuses après méthanisation. Ce sont évidemment ces deux grandes familles d’énergie qui sont nos atouts pour sortir de la dépendance énergétique, au-delà d’une recherche prioritaire de réduire nos besoins. Il y a beaucoup d’efficacité à trouver dans nos usages de l’énergie.
Développer ces énergies « nationales » par nature nous conduit à sortir de notre zone de confort. C’est plus simple, en effet, de consommer une énergie produite ailleurs ou qui provient de grandes centrales, bien loin de chez nous. Pas d’impact direct sur mon environnement, pas d’exigence sur mon comportement. Nous entrons dans une période difficile de responsabilisation. On ne peut plus dire « not in my back yard », alors que le concept d’autonomie énergétique doit irriguer toute la société. C’était le cas avant la révolution industrielle, où chacun devait faire avec ce dont il disposait. Un cinquième des terres agricoles étaient consacrées à la nourriture des animaux de trait, source essentielle d’énergie à cette époque avec celle des forêts, des rivières et du vent. Il va falloir accepter de voir s’établir des unités de production locale d’énergie, à côté de chez soi. La proximité vaut aussi dans ce domaine. Il va falloir trouver des solutions innovantes pour les intégrer au mieux à leur environnement, il va falloir choisir dans la gamme de ces énergies, esquissée ci-dessus, il va falloir faire preuve d’imagination et de créativité. C’est un apprentissage qui nous est demandé, l’apprentissage de l’autonomie. Nous sommes tous d’accord, du moins dans les paroles, pour ne pas expédier nos déchets toxiques dans d’autres pays, faisons notre propre ménage. Il doit en être de même pour l’énergie, fabriquons-la chez nous, maitrisons-en les impacts au lieu des les rejeter ailleurs.
Edito du 11 août 2021
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