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La France de demain

« Faire AVEC le plus possible, CONTRE le moins possible », nous dit le paysagiste Gilles Clément. Il semble que cette formule de sagesse ne soit guère partagée par ceux qui imaginent « la France de demain », politiques, administrations et professionnels. Alors qu’une large majorité de Français souhaitent habiter en maison individuelle, tout ce petit monde n’a qu’une idée en tête, promouvoir l’appartement en zone dense. La ministre du logement a présenté le 14 octobre dernier dix orientations pour « habiter la France de demain ». Une vision du futur issue d’une large consultation des milieux concernés et de 4000 français. Haro sur la campagne, pourrait-on en déduire, chargée d’un péché impardonnable, la consommation d’espaces. Est tout juste concédé à la campagne l’accueil de « tiers lieux », relais pour le télétravail. Et puisque les Français veulent des pavillons, et qu’ils ont donc tort, une campagne, de communication cette fois-ci, va être menée pour les faire changer de modèle culturel. Rien que ça. En général, on adapte le produit aux attentes des acheteurs, et bien dans ce cas précis, ce sera l’inverse, il faudra que les futurs habitants adoptent les souhaits des aménageurs. On notera que la ministre s’est reprise, à la suite des nombreuses protestations qui se sont manifestée, mais l’esprit est bien là. Les écrits de trompent pas, dit-on.
Parallèlement, dans un rapport de La Fabrique Ecologique en cours de consultation, la première proposition consiste également à « Faire évoluer la dimension psychologique et sociale de l’achat immobilier, notamment en revalorisant l’image du logement collectif ». La formule est plus douce, mais l’intention est la même. Elle rejoint la recommandation de la convention citoyenne pour le climat « Sensibiliser à l’importance et l’intérêt de la ville plus compacte et construire une nouvelle culture de l’habitat collectif ». Les Français pensent mal, ils ont des désirs coupables, un peu de rééducation ne leur ferait pas de mal.
Bien sûr, il faut rendre la ville attractive, agréable à vivre et « durable ». Une bonne partie de la population y vit, et l’empreinte écologique des citadins n’est pas exemplaire par rapport à celle des ruraux. Il y a du travail à faire de ce côté-là. Faut-il pour autant imposer la ville et y consacrer tous les efforts d’adaptation au monde de demain ? Exit, donc, toute idée de prendre en compte les souhaits exprimés par les Français avec constance depuis des années, et de rechercher une voie pour les rendre compatibles avec les défis de demain, qui sont d’ailleurs présents dès aujourd’hui.
Nos modes de vie changent au gré des innovations techniques, l’automobile, la télévision, Internet, etc. et certains évènements, comme le confinement causé par la crise sanitaire, sont de puissants moteurs de ce changement. Les évènements récents ont entraîné un développement rapide du télétravail, et provoqué un engouement pour les petites villes et les maisons individuelles. Une occasion, semble-t-il de revisiter nos approches de la campagne, de l’enrichir, et de se lancer dans une recherche d’une offre de logements et de services, notamment de mobilité, aussi « durables » que dans les villes. Il y a en premier lieu la réutilisation d’un patrimoine ancien, souvent en mauvais état, peu adapté à la vie moderne. La revalorisation des centres bourg, amorcée pour les villes avec l’opération « cœur de ville », en serait une heureuse conséquence, elle rendrait les campagnes plus attractives, condition indispensable pour lutter contre les phénomènes de déserts médicaux, ou culturels. Réemploi et adaptation de l’habitat traditionnel permettrait en outre d’économiser des matériaux de construction et, évidemment, de l’espace. Quant à la maison individuelle à construire, luttons contre l’étalement en préférant les opérations groupées, conduites avec des cahiers des charges exigeants. La proximité des centres et des services pour réduire le besoin de mobilité en sera un axe fort. Le transfert à l’intercommunalité de la compétence d’aménagement et de logement permet d’éviter le saupoudrage des permis de construire. Et puis n’oublions pas que la maison individuelle offre un potentiel de captage d’énergie, du soleil ou du sol, bien supérieur à celui des immeubles collectifs, elle permet de recycler une bonne partie des déchets organiques, elle permet de se nourrir de sa production. Si une campagne de communication doit être lancée, ce serait plutôt pour donner envie aux habitants de ces maisons individuelles d’utiliser toutes ces potentialités, et de faire de leurs jardins, même ceux de taille modeste, des hauts lieux de biodiversité.
Habiter la France de demain : Dans les villes, bien sûr, rendues plus durables et agréables à vivre, mais aussi dans les campagnes, revitalisées et prêtes à faire émerger de nouveaux modes de vie, aussi durable que ceux des villes.

Edito du 20 octobre 2021

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