Rédigé par Dominique Bidou le . Publié dans Editos 2021.
« La démographie est une traduction et une fonction du dynamisme d’un pays développé, que ce soit en matière de main d’œuvre abondante et bien formée, d’inventivité et de créativité en matière de recherche, d’adoption de nouveaux processus de production » nous dit François Bayrou, en introduction d’une note du Haut-commissariat au Plan rendue publique le 16 mai dernier. Qu’il y ait un lien entre l’évolution d’une population et son dynamisme économique et social, personne ne le contredira. Mais ce lien est sans doute bien plus complexe que ce que laisse entendre le Haut-commissaire au plan. Et tant mieux, car dans la perspective de la stabilisation de la population mondiale, on ne voit pas comment les pays les plus développés pourraient s’exonérer de l’effort de maitrise de la natalité. Chaque nouveau-né « occidental » pèsera beaucoup plus sur les ressources de la planète qu’un petit bengali ou nigérien. Il faut bien sûr que la fécondité baisse sensiblement dans les pays « du Sud », mais l’injonction vaut aussi pour ceux « du Nord ». Le résultat sera inéluctablement un vieillissement de la population. Une transformation qui, si elle n’est pas accompagnée, conduit aux effets néfastes rappelés dans la note du Plan, sur les retraites et la solidarité mais aussi sur le dynamisme de la société dans tous ses aspects. Pendant longtemps, la politique française a été de s’y opposer, en détournant une politique sociale d’aide à la composition des familles modestes pour en faire une politique nataliste et ainsi influencer ladite composition. Des aides financières réservées aux familles de plus de 3 enfants, mais aussi des freins au développement de la contraception et à la possibilité de mettre fin aux grossesses non désirées. Ces mesures ont été progressivement atténuées ou abandonnées, mais il reste une partie de l’opinion favorable à une politique nataliste, qui encouragerait les couples à faire plus d’enfants. François Bayrou évoque même le concept de « première puissance démographique d’Europe » comme objectif à atteindre. « Il n’est de richesse que d’hommes » écrivait Jean Bodin. C’était en 1577, et le monde, à l’époque, était encore infini. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et il faut tenter d’interpréter cette phrase en basculant d’une approche quantitative à une approche qualitative. Il ne s’agit plus de rechercher plus d’hommes, mais de leur offrir de meilleures conditions d’épanouissement, pour leur bonheur et celui de la collectivité.
Le dynamisme attendu de la société ne doit plus être attendu du nombre d’hommes et de la croissance de ce nombre, mais du soin apporté à ce que chacun trouve sa voie et concoure à enrichir les collectivités dont il fait partie, de l’humanité dans son ensemble aux groupes familiaux, en passant par toutes les échelons, nation, entreprises, associations, etc. Tel est l’enjeu aujourd’hui. Une première conséquence est la lutte contre toutes les discriminations, dont le coût économique avait été évalué en 2016 par une note de France Stratégie (1). Discrimination selon le sexe, l’âge, l’origine, etc. Que chaque personne trouve sa place. La question de la population active et des charges qu’elle supporte au titre de la solidarité, évoquée par François Bayrou trouve mieux sa réponse dans cette recherche que dans l’augmentation du nombre de jeunes. Quelle place pour les femmes, pour les vieux, pour les jeunes, les nouveaux arrivés dans notre pays, etc. Les vieux, notamment, sont considérés comme des charges, alors qu’ils sont, pour beaucoup, encore plein d’énergie et peuvent être une ressource pour la société. A condition de le vouloir et de l’organiser, au lieu de chercher à tout prix de prolonger leur vie active « ordinaire ». Les enfants ne sont pas des adultes en miniature, dit-on, et les vieux ne sont pas des adultes prolongés. Ils ont leurs propres rythmes, leur expérience, leurs fragilités aussi, et ce sont des solutions fines qui permettront de leur offrir une place qui les fera vivre plus vieux, plus heureux et en bonne santé, tout en se rendant utiles. Il y a bien d’autres points à approfondir pour que la « richesse humaine » soit pleinement valorisée, notamment la lutte contre le chômage (territoires zéro chômage de longue durée, par exemple) la formation, tout au long de la vie, la qualité des relations sociales, la perspective de progrès personnel, etc. Il n’y a de richesse que celle de chaque être humain.