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Energies et élection présidentielle : Pour un débat de qualité.

Les campagnes électorales sont des moments riches en débats. Excellente chose, s’il s’agit de mieux comprendre les enjeux et d’aider à des choix collectifs, mais aussi danger si le combat politicien, au mauvais sens du terme, s’empare de sujets sensibles dans le simple but de « faire des voix ». Des sujets sensibles, et souvent complexes, où la vérité n’est pas évidente, avec de nombreuses interactions et quelques principes de réalité en contradiction avec les rêves que nous pouvons faire, les uns et les autres.


Les questions des migrations et de l’âge à la retraite s’invitent ainsi aux joutes préparatoires à l’élection présidentielle d’avril prochain. Tantôt c’est le ressenti qui est mis à contribution, souvent en contradiction avec l’observation des faits : de même qu’on ne parle guère des trains qui arrivent à l’heure, on ne voit que les problèmes qui émergent et la tendance à généraliser fait le reste. Tantôt l’approche financière occulte tous les autres aspects. Le phénomène social à l’origine du problème, à savoir le vieillissement de la population, est oublié alors qu’il se manifeste de bien d’autres manières, tout aussi importantes.
Il en résulte des débats stériles, souvent convenus d’avance, qui poussent les citoyens à adhérer à un camp plutôt qu’à rechercher la meilleure manière d’aborder les sujets dans toutes leur complexité. Pauvre démocratie.
Une nouvelle venue est entrée en lice, l’énergie, souvent cristallisée autour des éoliennes, souvent couplée avec le nucléaire, thème plus ancien. Nous voilà dans un débat aux multiples facettes, pouvoir d’achat, nationalisme, paysage, sécurité, économie, et surement bien d’autres. Et des choix déterminants, pour l’aménagement des territoires, des filières industrielles, les échanges internationaux, la décentralisation, etc. Nous arrivons à une époque charnière, celle de la fin progressive du parc nucléaire issu du programme Messmer lancé en 1974, au milieu des chocs pétroliers. Par quoi les remplacer ? Toutes les centrales actuelles étant de la même génération, elles vont s’éteindre à peu près en même temps, et la solution de remplacement engagera fortement l’avenir. Bien sûr, aucune énergie n’est parfaite, en dehors de celle que nous ne consommons pas, et la première voie à suivre est celle des économies. Mais la transformation d’un parc immobilier ne se fait pas en un jour, les besoins de mobilité ne peuvent être gommés et prennent des formes nouvelles, la modernisation des industries prend aussi du temps et se traduit parfois par des délocalisations, et l’agriculture poursuit son modèle à fort niveau d’entrants. Il faut donc produire de l’énergie, mais laquelle et comment dans le contexte de la lutte contre l’effet de serre ?
Le débat est nécessaire, et doit être largement ouvert, bien au-delà des milieux autorisés et des assemblées parlementaires. La convention citoyenne pour le climat aurait pu en être l’occasion, mais son champ était restreint et l’impératif de production de mesures opérationnelles semble avoir limité sa réflexion. Les candidats à l’élection tout comme les lobbys vont donc se retrouver porteurs du débat, et nous aimerions bien qu’il soit de qualité. Il est hélas permis d’en douter quand un candidat plaide d’un côté pour le pouvoir d’achat et de l’autre pour la construction de centrales nucléaires de type EPR, et l’abandon de la filière éolienne. Il y a bien des paramètres à évaluer, mais pour le prix de l’énergie, la messe est dite depuis longtemps : S’il est vrai que le nucléaire d’aujourd’hui ne coûte pas cher, environ 50€ le Mwh, son successeur est bien au-delà, 90€ pour les plus optimistes, plutôt 110 à 120 si l’on se réfère aux EPR en construction à Flamanville et à Hinkley Point C, et à 150 selon certaines ONG. En comparaison, le coût du Mwh éolien tourne autour de 80€ sur terre et 90 euros en mer, avec une nette tendance à la baisse pour les prochaines années. Chacun peut, bien sûr, favoriser le pouvoir d’achat et faire le choix de l’énergie la plus chère, mais pas sans s’en expliquer. D’autant plus que ce choix n’est pas évident du point de vue industriel et des espoirs d’exportation. Selon Les Echos du 26 septembre 2019, citant un rapport du World Nuclear Industry Status Report (WNISR) sur les perspectives au niveau mondial, « le coût de production du nucléaire varie désormais entre 112 à 189 dollars le mégawattheure contre 36 à 44 dollars pour l'énergie solaire et 29 à 56 dollars pour l'énergie éolienne ».
Ne parlons pas des innombrables infox qui circulent sur l’éolien. Celui-ci n’est pas parfait, mais ce n’est pas une raison pour le charger de tous les péchés du monde. Pourquoi tant de haine, pourrait-on dire. Un débat, donc, sur l’énergie et les choix difficiles, qui nous attendent, mais un débat de qualité. Est-ce trop demander aux candidats ?

Edito du 5 octobre 2021

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