Du bon usage des catastrophes
Les catastrophes sont spectaculaires, et nous impressionnent par leur gravité. Elles nous envoient aussi des messages sur des problèmes quotidiens, dont l’impact est au moins aussi important.
Un mégot de cigarette provoque un incendie gigantesque. Deux morts, des maisons brûlées, des milliers d’hectares de forêt partis en fumée, avec les conséquences qui en découlent pour la biodiversité. Une campagne de sensibilisation est envisagée pour lutter contre le jet de mégots dans la nature. Ce n’est pas un problème nouveau, et ses effets ne se limitent pas aux incendies. Chaque jour en France, plus de 300 millions de mégots sont jetés dans la nature. Une bonne moitié des cigarettes terminent leur vie dans les caniveaux ou au bord des routes. Temps d’élimination par la nature : environ 12 ans, le plus souvent dans les mers où les mégots sont entrainés par les pluies et les rivières. Ce sont les plus gros pollueurs des océans, avant même les sacs plastique et les pailles. On estime qu’un mégot, qui contient une cinquantaine de substances nocives, pollue durablement 500 litres d’eau. L’impact est diffus, mais il est considérable.
Autre exemple : la ventilation dans les classes. La Covid a mis en évidence le défaut de renouvellement d’air dans les salles de classe. Ce n’est pas, là, une affaire de tous les citoyens, mais des pouvoirs publics. La pandémie nous fait découvrir cette carence du parc scolaire, alors que de nombreuses études nous disent depuis longtemps l’importance de la qualité de l’air. La capacité de concentration des élèves est directement impactée par le taux d’oxygène, les résultats scolaires et l’ambiance dans les classes en sont les effets aisément perceptibles. L’installation de capteurs de CO² permet de mesurer l’ampleur du problème, mais la réponse véritable est dans la conception des locaux, et notamment des ouvrants et de la ventilation. L’expérience nous montre que l’ouverture des fenêtres pendant les récréations ne peut être une solution durable, même si elle peut être encouragée en attendant les travaux nécessaires. Espérons que l’alerte de la covid conduira les autorités concernées à traiter sérieusement cet aspect souvent négligé des constructions scolaires, avec des bienfaits qui se prolongeront bien au-delà de la crise sanitaire. Cette dernière nous avait déjà signalé le déficit de lavabos pour se laver les mains dans de nombreuses écoles, alors que nous savons que, hors covid, le lavage des mains avant de passer au réfectoire diminue par deux la fréquence des petites maladies infectieuses. Merci, Covid, d’avoir mis en évidence ces défauts, il nous reste à les corriger pour la santé de nos enfants et leurs résultats scolaires.
A l’inverse, l’absence de catastrophe pour émouvoir la population et les pouvoirs publics conduit à une défaillance de la lutte contre des fléaux de la vie quotidienne. En 2015, le coût social de la pollution de l’air avait été estimée à 100 milliards d’euros par an dans un rapport sénatorial, sans qu’il en résulte d’action marquante. Un rapport tout récent de l’ADEME et du Conseil national du bruit évalue à plus de 150 milliards d’euros chaque année le coût social du bruit. Une vraie catastrophe sociale et économique, mais il lui manque un évènement majeur pour la mettre en évidence. Il y a des morts et des blessés, mais ils meurent ou souffrent en silence, si l’on peut dire. Et pourtant, les moyens de lutte évoqués dans le rapport sont largement bénéficiaires. Pour reprendre l’exemple des écoles, le remplacement des fenêtres, apporterait une solution dont le bénéfice se maintient sur 30 ans, et « il est estimé que cette mesure présente un ratio annuel bénéfices / coûts de 10 (en ne considérant que le surcoût de la rénovation lié à la dimension acoustique, et en occultant ici, faute de données, les bénéfices liés à l’amélioration de la qualité de l’air) ». D’une manière générale, la qualité des constructions est une des clés de la lutte contre le bruit, mais elle semble bien insuffisante aujourd’hui. Quel type de catastrophe faudrait-il pour que le bruit soit considéré à sa juste valeur ?
Edito du 25 août 2021
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