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Au-delà de la loi

La loi climat ne permettra pas d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris, si l’on en croit ses détracteurs et notamment les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Oui, mais ce n’est pas une loi, si ambitieuses fusse-t-elle, qui peut répondre à cet impératif. C’est le comportement de la société dans son ensemble. Nous ne sommes pas dans le régalien, où une loi comme l’abolition de la peine de mort, s’impose à chacun, mais dans une multitude choix personnels ou professionnels qui ne s’imposent pas aux acteurs qui n’en veulent pas. La loi peut donner un cadre pour une plus grande cohérence des actions, elle peut fixer des objectifs partiels ou intermédiaires, mais rien ne se fera sans l’adhésion du plus grand nombre. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif dit la sagesse populaire. Bien sûr, si le retard est le fait d’une petite minorité, la loi et les sanctions peuvent venir à bout des résistances, mais c’est une illusion que de croire qu’elles peuvent forcer la main du plus grand nombre. Certes, les sondages montrent une adhésion du public, mais celle-ci ne porte dans les faits que sur les contraintes imposées aux autres. Cet enthousiasme s’estompe rapidement quand les sondés se sentent directement concernés, lorsqu’il s’agit, par exemple, de la réduction de vitesse sur les routes. Une loi trop éloignée de la pratique et de la psychologie dominantes est fatalement détournée, et les sanctions sont inapplicables quand les fautifs représentent 80% de la population.
La loi, oui, mais comme un instrument d’une politique de mobilisation effective de la population. Le ressort de la peur ne fonctionne que quand le danger est visible, et c’est alors trop tard. Il faut d’autres motivations pour obtenir l’adhésion de la société. Comment donner envie d’un changement de mode de vie, d’un développement durable, telle est la question à laquelle aucune loi ne peut répondre. Elle peut juste accompagner le mouvement, lever des freins, interdire les excès manifestes, ouvrir des perspectives, fournir des outils, mais elle ne peut se substituer à un mouvement d’ensemble auquel chaque acteur, citoyen-consommateur, puissance publique nationale ou locale, entreprises, médias, et bien d’autres encore, est appelé à participer. Comment donner corps à ce mouvement, comment le stimuler ? Nous sommes face à un problème culturel, de comportement individuel et collectif. Obtenir le changement par la contrainte est un leurre, qui risque d’ailleurs de susciter l’hostilité, et qui empêche de croire que le changement est un progrès dont chacun pourra bénéficier. Paradoxalement, la contrainte rend le mouvement pour le changement plus difficile à se constituer.
Prenons l’exemple de l’alimentation. Un tiers environ de notre « empreinte écologique ». Il y a beaucoup à gagner si nous mangeons local et de saison, plus de végétaux et des produits animaux de qualité. Un gain pour l’effet de serre et la biodiversité, et aussi pour notre santé. C’est aussi un gain pour notre économie par la création de valeur liée à la qualité. Cette évolution peut être obtenue par la stigmatisation des mangeurs de viande, par exemple, mais elle peut aussi l’être en valorisant d’autres modèles de consommation. Donner envie d’autre chose, plutôt que d’attaquer des pratiques dominantes par la dénonciation, la honte, ou, revenons à la loi, par des obligations. Soyons fiers de déguster les légumineuses, plutôt que honteux de se jeter sur son steak ou son hamburger. Faut-il encore que les légumineuses soient attractives. Mobilisons à cet effet les grands chefs de cuisine, les écoles de cuisine, les spécialistes des épices, les critiques gastronomiques, les menus des grands palais républicains, pour donner envie d’une nouvelle alimentation, et développer ainsi une demande sociale favorable au climat, à la biodiversité, aux producteurs et à notre balance des paiements.
La loi peut accompagner et faciliter l’évolution de la demande sociale, elle ne peut l’imposer. Il y a d’autres leviers à actionner pour y parvenir, comme nous l'enseignent les sciences du comportement, grandes absentes de la convention citoyenne mour le climat.

Edito du 3 mars 2021

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