Une occasion à saisir
La forte baisse du prix du pétrole depuis quelques mois pourrait être interprétée comme une mauvaise nouvelle pour l'environnement. C'est vrai du côté la concurrence avec les énergies renouvelables, malgré les progrès considérables qu'elles réalisent chaque année. Mais on peut voir les choses autrement, à partir des subventions que les Etats accordent aux énergies fossiles, soit pour aider à leur consommation, soit pour soutenir la production. "Le faible niveau de prix des énergies fossiles aujourd’hui offre aux pays une occasion en or d’éliminer progressivement les subventions à la consommation" nous dit Fatih Birol, Directeur exécutif de l’Agence internationale de l'énergie (AIE). Ce serait une bonne chose, ce serait de l'argent frais pour investir dans les renouvelables et les économies d'énergie. C'est plutôt l'inverse qui se passe : Les aides directes à la production d'énergies fossiles ont progressé de 38% en 2019 dans 44 économies avancées et émergentes, selon une étude conjointe de l'OCDE et de l'AIE rendue publique le 5 juin. Ce sont près de 500 milliards de dollars américains d'argent public qui subventionnent chaque année les énergies fossiles. Il faudrait y ajouter l'argent des banques, qui continuent à soutenir le pétrole et le gaz de schiste, et même les sables bitumineux. 24 milliards $ pour les banques française entre 2016 et 2019 selon les ONG Les Amis de la Terre France et Reclaim France. En mars dernier, la revue Nature avait publié un article sur la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, à partir des rapports annuels du PNUE sur 10 ans. Conclusion : une décennie perdue. les émissions annuelles ont augmenté de 14% entre 2008 et 2018. Au lieu d'investir massivement sur l'avenir, l'argent public sert à prolonger le passé, et les objectifs de neutralité carbone semblent de plus en plus inaccessibles. La décennie qui commence est, d'après tous les experts, la décennie critique, celle où tout se joue. Une dernière chance. La tendance à préserver l'état ancien est bien connue, et s'explique parfaitement par le souci de ne pas casser une économie avec ses intérêts et ses emplois, et par la puissance des acteurs concernés. Il faut bien sûr amortir les effets du changement et aider les entreprises à rebondir sur de nouvelles bases, mais ce n'est pas ce qui se passe. L'essentiel de l'argent disponible est consacré à protéger des secteurs condamnés à terme. En 2009, les pays membres du G20 s'étaient engagés à réduire progressivement leurs subventions aux énergies fossiles. Nous n'en prenons pas le chemin. C'est comme les réformes de l'agriculture, notamment pour faire face aux besoins d'eau douce. L'argent public va en majeure partie à la création de barrages et autres réservoirs artificiels, et pour une faible part seulement au développement de pratiques économes. La fuite en avant. C'est l'inverse qui devrait être fait, pour l'énergie comme pour l'eau douce, et la "relance" à l'étude devrait aller dans ce sens : l'essentiel des financements pour aller vers le futur, et une cagnote réservée pour soutenir les plus faibles qui ne pourront pas entrer dans l'ère nouvelle qui se profile. C'est ce que propose le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurría : « Utiliser l’argent public pour subventionner les énergies fossiles est inefficace et ces aides aggravent les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’air. Si notre tout premier souci aujourd’hui doit être d’aider les économies et les sociétés à traverser la crise du COVID 19, nous devons saisir cette occasion pour réformer les subventions et employer les fonds publics de la façon qui bénéficiera le plus aux gens et à la planète ». L'OCDE et l'AIE : de dangeraux révolutionnaires, ou la voie de la sagesse ?
Edito du 10 juin 2020
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