Un nouveau regard
La question des retraites illustre les difficultés à adopter un nouveau mode de penser, comme il le faudrait pour aller vers le développement durable. Keynes le disait bien, en affirmant que le plus dur n'est pas d'adhérer aux idées nouvelles, mais de se libérer des anciennes. Nous avons abordé la question des retraites comme avant. Mêmes interlocuteurs, avec leurs enjeux particuliers, même état d'esprit, même cadre de réflexion. Difficile de penser autrement dans ces conditions. Les "négociations" reviennent inélucablement sur les paramètres et les modes de calcul des droits. Les jeux de rôle occupent le terrain, et la mobilisation se fait sur des les positions traditionnelles, issues des luttes antérieures et du rappel des principes qui présidaient à la création du système actuel. Une époque où il fallait assurer des vieux jours de courte durée - on était vieux le jour de sa retraite pour la plupart des intéressés -, pour une faible part de la population et un chômage quasi inexistant.
Le raisonnement dominant reste dans ce cadre alors que le contexte a radicalement changé : les vieux le sont de plus en plus, ils sont de plus en plus nombreux, les jeunes travaillent de plus en plus tard, et presqu'un actif sur 10 est au chômage. Appliquer le mode de penser ancien à cette nouvelle situation ne peut guère déboucher sur des solutions originales, et provoque inévitablement des frustations. Au lieu de poser le débat sur les retraites, sujet d'affrontements, terriblement technique, porteur d'angoisses, avec des partenaires traditionnels assis sur leurs postures, mieux aurait valu partir de sujets plus sociétaux, faciles à comprendre, permettant d'intégrer de nouveaux points de vue et de dépasser les anciennes querelles. La question première, à l'origine de tout ce débat, est le vieillissement de la population, inéluctable dans une perspective de stabilisation de la population mondiale. Nous avons vu l'émergence d'un âge nouveau, des vieux encore jeunes et plein d'énergie (1), et il semblerait que la seule idée qui en soit tirée est que l'on pouvait travailler plus longtemps. Un peu court comme niveau de pensée. Deux questions pourraient être posées pour entamer la réflexion. Que souhaitent faire les "jeunes vieux" des années de vie gagnées ? et en complément, comment la société peut-elle bénéficier de ce capital humain considérable ? Il serait irresponsable et dangereux de ne pas tenir compte des aspirations des intéressés, et de penser que la société peut se passer des apports d'un cinquième d'elle-même. Posons le débat sur ces bases, élargies à de nouveaux interlocuteurs, notamment les plus concernés, les retraités et ceux qui s'approchent de l'échéance. Certains voudront s'arrêter et se reposer, d'autres s'adonner à des activités culturelles ou associatives dont ils ont rêvé toute leur vie, d'autres encore ont assez à faire avec leur famille (jeunes ou très vieux), d'autres voudront de lancer dans de nouvelles aventures professionnelles en bénéficiant du filet de sécurité de leur retraite, d'autres enfin voudront continuer leur travail antérieur, avec des adaptations, et cette liste n'est pas limitative. Il y a dans ces souhaits une source de richesse et d'activité bénéfique aussi bien pour les retraités que pour la société toute entière. Mais bien sûr, il faut accepter de changer de mode de penser, et c'est ce qu'il y a de plus difficile...
1 - Voir à ce sujet le mot Quatrième
Edito du 15 janvier 2020
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