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Les discours contre-productifs

La communication officielle sur le vaccin anti covid est étonnante. Il n’est question que de précautions, de suivi attentif, de pédale en permanence sur le frein. Bien sûr, il s’agit de rassurer les français, tout est fait pour qu’il n’y ait pas de suite malheureuse à une injection. Mais à force de parler de ce qu’il faudrait éviter, c’est le risque qui remplit la scène à lui tout seul la scène, alors qu’il ne devrait n’être qu’un personnage très secondaire. Les bienfaits attendus du vaccin sont relégués au deuxième plan, et c’est la défiance, fille du risque, qui marque des points. A trop vouloir rassurer les pouvoirs publics distillent l’idée que le vaccin est dangereux. Sinon, pourquoi prendrait-on tant de précautions ? Résultat : le camp du rejet prospère.
Ce genre d’erreur est courant, mais il est toujours surprenant de voir nos dirigeants, supposés bien informés et conseillés par d’éminents spécialistes de l’opinion publique, tomber dans le piège. Autre exemple de faute du même tonneau : la persistance à prétendre protéger les français. Président après président, gouvernement après gouvernement, c’est la même rengaine. Mais « protéger » veut dire qu’il y a besoin de le faire, et donc que les français sont faibles. Sous une apparence généreuse, c’est un discours défaitiste, qui conforte le pessimisme et l’absence de confiance en soi, en notre pays. Pour encourager nos compatriotes à s’engager, à prendre des risques, à défier des grandes entreprises internationales, à revendiquer pour la France une place de premier plan dans le concert des nations, il y a mieux. A moins que ce soit parce que nos dirigeants, imbibés d’une culture propre à la haute administration, pensent être les seuls à assumer la grandeur de notre pays…
Le développement durable n’échappe pas, hélas, à cette dérive. Le discours dominant évoque inlassablement les dégâts que les humains font subir à la planète. Le levier retenu pour faire changer le comportement de nos contemporains est la peur de la catastrophe, agrémenté d’une bonne dose de culpabilité et même, plus récemment, de honte. Le changement attendu ne peut réussir sans une adhésion forte, et même un réel enthousiasme pour le produit attendu. Et surtout une confiance en soi, bien nécessaire pour prendre des risques, pour accepter de se tromper, car le chemin à inventer vers un futur durable est inédit, et son exploration révèlera des surprises, bonnes ou moins bonnes. Le discours de la peur, de la culpabilité et de la honte pousse au repli sur soi, alors qu’il faut se projet dans l’avenir, anticiper, sortir de sa zone de confort. A moins que les tenants de ce discours ne se sentent, comme les hauts fonctionnaires du paragraphe précédents, les seuls en charge du changement. Celui-ci ne sera solide et durable que si l’adhésion est très large, et animé par une vision attractive des futurs à imaginer et à construire.
Les discours sont une arme à double tranchant à manier avec dextérité. Il ne suffit pas d’avoir raison pour être suivi, il faut donner envie d’y croire. Ceux que l’on appelle les complotistes sont bien plus habiles dans l’art de donner envie d’y croire. Le vaccin est dangereux, la France est sur le déclin, le réchauffement climatique est une invention pernicieuse, etc. Donner envie du développement durable suppose une bonne connaissance des comportements humains, de leurs ressorts, de leur fonctionnement. Les sciences cognitives au secours de l’environnement, pour trouver le bon discours.

Edito du 30 décembre 2020

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