Incubation environnementale
La difficulté majeure que nous rencontrons en France dans la lutte contre la COVID est sans doute l'insuffisance de capacité des hôpitaux. Un problème dont l'origine est ancienne, et que la crise révèle dans toute son ampleur. La recherche continue d'économies et d'optimisation budgétaire a conduit à une situation critique impossible à redresser en quelques mois avec ses deux aspects complémentaires, équipements et personnels. Depuis longtemps, déjà, nous recrutons du personnel étranger, faisant ainsi porter les conséquences de nos carences sur d'autres pays souvent moins bien lotis que nous en termes sanitaires. Comment en sommes-nous arrivés là ? La valeur de la santé est absente de nos comptes, alors que les dépenses de santé apparaissent. Elles sont importantes, et l'objectif constant a été de les réduire sans considération de la contrepartie, à savoir les bienfaits d'une population en bonne santé. Nous payons aujourd'hui le prix de cet aveuglement. Nous n'en tirons pas, semble-t-il, les leçons dans d'autres secteurs, et notamment en matière d'environnement. Celui-ci coute cher, dit-on, et les effets d'un environnement en bonne santé ne sont guère visibles. C’est le non-environnement qui coûte cher, un prix souvent diffus et différé, mais bien réel. La tendance est donc à la diminution des moyens humains, par exemple dans l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement. Le nombre d'inspecteurs ne permet pas de visiter régulièrement toutes ces "installations", réparties en deux grandes catégories, celles qui sont autorisées, avec une procédure préalable, et celles qui ne sont que déclarées. Le culte de la simplification administrative, évidemment nécessaire, mais avec discernement, arrive à point nommé pour alléger les contrôles. Une bonne idée est de responsabiliser les responsables de ces installations, et de leur demander de faire faire les contrôles par des organismes agréés, à leur charge. Une bonne idée à conditions que les entreprises jouent le jeu, les rapports des contrôleurs n'étant pas remis à l'administration. Celle-ci continue à faire des visites dans les installations déclarées, mais en nombre bien trop faible. Le bilan de ces contrôles, quand il est fait est catastrophique. Les derniers bilans datent des années 2009 et 2011, et ils ne sont plus faits depuis, faute de personnel. Les taux de conformité sont très faibles, de l'ordre de 2,5 à 3%. Une autre voie est de sortir des établissements du champ des installations classées, en relevant des seuils par exemple. Les plus petites de ces installations échappent alors à tout contrôle. Dans un autre ordre d'idées, les enquêtes publiques sur des travaux et les aménagements sont allégées. Toujours la simplification, auquel s'ajoute le recours à Internet. L'illectronisme, nouvelle forme de l'illettrisme appliquée à l'informatique, l'administration ne connait pas. Tant pis pour tous ceux qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, entrer dans cette ère nouvelle où les échanges et les débats sont "dématérialisés". Vous l'aurez compris, il se passe pour l'environnement ce qui s'est passé pour la santé, une forme d'allègement continu des moyens de la qualité de service. Le prix à payer pour ce désengagement est masqué, supporté par tout le monde et par les générations futures. Pollutions de fond, enfouie dans des sédiments, ou dégradation de l’environnement quotidien, ou encore appauvrissement des milieux vivants et de leurs hôtes, les comptes publics ignorent tout cela, alors que la règle d’or reste une référence pour les finances. Même la pollinisation, aux effets économiques évidents, passe par pertes et profits.
C’est la prospérité des biens collectifs qui est en cause. Les dommages faits à l’environnement n’ont pas, jusqu’à présent, porté de coups sévères à l’économie visible, celle des comptes financiers, comme ils ont pu le faire jadis, avec la salinisation des sols ou l’érosion par exemple. Mais nous nous fragilisons et le prix à payer sera de plus en plus lourd. On a pu parler de durée d’incubation du réchauffement climatique. Nous avons été pris au dépourvu par le corona virus, ne le soyons pas pour l’environnement, que ce soit pour éviter ses dégradations que pour ménager nos ressources.
Edito du 14 octobre 2020
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